Un vent d'acier
parlé quand il fallait agir. Vous devriez savoir que, tôt ou tard, les instruments des révolutions sont brisés. Il vous restait une ressource, vous l’avez manquée. Cependant, soyez tranquilles, le temps nous vengera, le peuple victimera les juges et fera justice de notre mort. » À Hébert, gémissant sur la liberté assassinée avec eux, Ronsin répondait : « Tu ne sais pas ce que tu dis. La liberté ne peut maintenant se détruire, le parti qui nous envoie à la guillotine y marchera à son tour, et ce ne sera pas long. » Laboureau notait toutefois que Vincent se défiait de lui et ne parlait jamais en sa présence.
Peut-être y avait-il quelque chose là-dessous, mais il ne s’agissait plus de chercher, il fallait absolument limiter les interrogatoires et les témoignages. Les juges, mandés au pavillon avec Dumas et Fouquier-Tinville qui cachait mal son peu d’enthousiasme à procéder contre plusieurs des prévenus, furent sermonnés de la façon la plus vigoureuse. Barère leur enjoignit de trier les témoins et de ne pas les laisser tant parler.
Tout à la fin de la séance, Billaud et Collot d’Herbois voulurent revenir à la question Danton. Robespierre, arguant de l’heure tardive, les renvoya au lendemain.
Ce lendemain soir, au club, il reprit sa déclaration du 3o ventôse à la Convention, en appuyant : « Ce n’est pas assez d’étouffer une faction, il faut les écraser toutes. Il faut attaquer celle qui existe encore, avec la même énergie que nous avons montrée en poursuivant l’autre. » Voyant les regards étonnés, angoissés, de Legendre, de Panis, de tous ceux qui craignaient de comprendre, il leur confirma : « Oui, il existe une seconde faction dont on vous a fait pressentir les agissements criminels. Le moment de la dévoiler viendra. Ce moment n’est pas éloigné. »
Quelques instants plus tard, au Comité où Billaud-Varenne, Collot d’Herbois, Saint-Just, réclamaient un rapport sur Danton accusé carrément par Hébert d’être le régent choisi par le cabinet anglais, Robespierre dit : « C’est bon. Je le ferai. » Mais Maximilien n’inspirait pas confiance aux patriotes rectilignes, pour cette tâche : il s’était trop longtemps obstiné à protéger Danton. Le rapport fut confié à Saint-Just. Comme, nouveau venu dans la carrière, il ne connaissait Danton que depuis septembre 92, c’est-à-dire depuis les dernières élections, on convint que Robespierre collaborerait avec lui.
À cette heure, le procès des Hébertistes, rondement mené selon les instructions données la veille, s’achevait. Proli avait convenu de ses relations avec Dumouriez. Au milieu des dix-neuf accusés répartis sur les gradins, Hébert occupait à présent le fauteuil de fer. Dumas ne laissait l’accusé répondre que par oui ou par non. L’homme en gris faisait piteuse mine, et le public, dans la salle bondée, s’étonnait de voir au Père Duchesne « plutôt l’air d’un sot que d’un homme d’esprit ». Les derniers témoins défilaient. Laveaux, sous-chef de bureau à la Guerre, qu’Hébert avait fait censurer, aux Jacobins, pour avoir proclamé l’existence de l’Être suprême, rappela cet incident puis stigmatisa les procédés du journaliste semant de fausses nouvelles pour alarmer le peuple, et les démentant après. Une citoyenne Dubois « imprimeur », vint raconter comment Hébert avait, en 1790, à Belleville, pillé la maison de campagne où le charitable médecin Boisset le logeait. Dubon et Lubin, vice-président et président du Conseil général, confirmèrent les manœuvres d’Hébert pour donner des inquiétudes sur les subsistances. D’autres témoins évoquèrent les conciliabules nocturnes d’Hébert avec de Kock, les somptueux soupers que le banquier offrait au Père Duchesne, à sa Jacqueline, à Vincent et Ronsin. En s’indignant de ce luxe insultant à la misère publique, on rappela qu’Hébert avait défendu avec acharnement Kock dénoncé par Desmoulins comme un affidé de Dumouriez. Le vice-président Dumas, résumant les faits articulés contre le journaliste, lui dit que son Père Duchesne était un organe contre-révolutionnaire et que son objet consistait à tout mettre en combustion. Comme Hébert voulait proclamer la pureté de ses intentions, Dumas lui jeta : « Est-ce votre désintéressement qui vous a fait recevoir cent mille livres de la Trésorerie nationale, pour une mission dont les patriotes
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