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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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Leclerc. Elle assaillait de pétitions la Commune et l’Assemblée, réclamant les mesures les plus énergiques pour empêcher l’accaparement des farines, du savon, du charbon. Enfin, sous l’influence plus discrète de Varlet (relâché tandis que la plupart des autres Cordeliers comploteurs du café Corraza, dénoncés en mars par Marat : entre autres Fournier l’Américain, demeuraient en prison), la Société des Défenseurs de la République agitait les sections pour leur faire demander l’extension du maximum à toutes les denrées, toutes les marchandises.
    La majorité de la Convention tenait le premier maximum pour une dangereuse absurdité. Elle n’entendait pas l’étendre, quand elle s’efforçait, au contraire, d’assouplir la taxation, si possible même de la laisser lettre morte. Mais la force des choses, comme disait Saint-Just, faisait que l’Assemblée, prise entre la menace de l’émeute et le risque de détruire le commerce, devait louvoyer, avoir l’air de donner satisfaction au peuple abusé par les ultra-démocrates. Pour désarmer les Enragés, les Comités de Salut public et de Sûreté générale, délibérant en séance commune, décidèrent, « afin de tranquilliser sans délai l’esprit public et de l’éclairer sur la fausseté des alarmes qu’on cherche à lui donner sur les subsistances », écrivit Barère, de faire délivrer aux boulangers, par l’administration des subsistances de la Commune, deux mille quatre cents sacs de farine de trois cent vingt-cinq livres, pour le lendemain. Dubon avait assuré Claude que cet appoint était possible et que l’on pourrait même y recourir à plusieurs reprises.
    En même temps, une nouvelle députation étant venue à la Convention réclamer la taxe de toutes les denrées, Billaud-Varenne répondit :
    « Ce n’est pas de la taxe qu’il faut s’occuper, mais des accaparements et de l’agiotage, sources désastreuses de la misère du peuple. »
    Il reprit à son compte l’exigence la plus violente des Enragés, en demandant la peine de mort pour les accapareurs. L’Assemblée saisit aussitôt ce moyen de diversion. Elle chargea une commission de six membres, dont Billaud, de lui présenter dans le plus bref délai un projet de loi là-dessus. Collot d’Her-bois le rapporta six jours plus tard. La loi fut votée le 27. Elle proclamait l’accaparement crime capital, le définissait comme le fait par des marchands ou des particuliers de dérober à la circulation des marchandises ou des denrées de première nécessité, de les faire ou laisser périr. Suivait une liste comprenant les aliments et les boissons, allant du charbon, du bois, du savon, au papier, aux métaux, draps, étoffes de toute sorte, soieries exceptées. Les détenteurs de denrées ou marchandises ainsi désignées devaient en remettre, sous huit jours, la déclaration à leur mairie. Les municipalités étaient autorisées à nommer des commissaires aux accaparements, appointés sur le produit des amendes et des confiscations. Le défaut de déclaration ou l’inexactitude serait puni de mort, de même que la prévarication des fonctionnaires en ce domaine.
    Loi rigoureuse, qui allait exercer sur le commerce une véritable inquisition. Du moins laissait-elle la liberté aux prix. Les conventionnels se flattaient d’avoir évité la taxation et de pouvoir peut-être abroger bientôt la loi du 4 mai. Claude était pessimiste. Il se rendait compte du poids dont cette inquisition pèserait non seulement sur les négociants mais sur les particuliers et quels abus elle entraînerait inévitablement.
    « Vous croyez, dit-il à Billaud et Collot, avoir joué les Enragés. Pas du tout. Ils nous tiennent. En mai, nous avons mis un doigt dans l’engrenage. Nous venons d’y mettre la main. Le bras et le reste suivront. Si les Autrichiens nous en laissent le temps, nous irons loin, mes amis, nous irons très loin.
    — Que voulais-tu faire ?
    — Si je le savais !… C’est singulier, plus nous combattons pour la liberté, plus nous lui sacrifions, moins nous sommes libres, plus nous sommes contraints d’agir à l’inverse de ce que nous souhaiterions. Les hommes échapperont-ils jamais aux circonstances ? »

IV
    Aux soucis et à l’inquiétude que lui donnaient la turbulence des Enragés, la fébrilité de la population exaspérée par la difficulté et la cherté des approvisionnements, les désordres du fédéralisme toujours violents à

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