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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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individus payés pour faire du bruit, le public se tut comme il s’était tu au procès des Brissotins dès que la Convention avait armé contre eux le tribunal. Herman déclara l’audience terminée. Les gendarmes firent redescendre les prévenus, ivres de colère, à la Conciergerie.
    Les jurés ne doutaient plus, néanmoins ils restaient sensibles au prestige de ces grands Jacobins qui avaient été si longtemps comme les drapeaux de la Révolution : Desmoulins, le héraut du 14 juillet ; Danton, l’athlète du 10 août ; Westermann, le héros des Tuileries. Coupables d’avoir par la suite compromis ce qu’ils avaient donné, en ces jours, à la nation : oui mais, malgré tout, les envoyer à l’échafaud ! C’était un peu comme si l’on eût guillotiné la Révolution elle-même.
    La journée avait été rude pour l’accusateur public. Les commissaires ne lui laissèrent pourtant pas de répit, ils le suivirent dans son cabinet où ils lui déclarèrent que tout devait être fini demain. À lui de s’arranger pour cela. Quand ils l’eurent quitté, il ôta son manteau court, son chapeau à plumes noires, son sautoir tricolore, et gagna son appartement réparti entre la tour de César et la tour d’Argent, au second étage. Il traversa l’antichambre sombre, entra dans le salon dont les fenêtres dominaient la Seine rosie et dorée par le soleil couchant. Un beau soir très doux descendait lentement sur Paris. La bonne Henriette, la seconde épouse de Fouquier, faisait ses comptes sur un secrétaire en bois de rose lorsqu’il entra. Il la tenait le plus possible à l’écart de sa profession. Aujourd’hui celle-ci avait forcé leur intimité. « Eh bien ? » demanda la jeune femme. (Elle avait trente-deux ans, lui quarante-huit.) « J’ai fait mon possible pour les sauver », dit-il en se laissant tomber lourdement sur un siège, le front labouré de rides, les sourcils plus arqués que jamais. « Robespierre veut leur condamnation. C’est eux ou moi. » Pour lui aussi, c’était Robespierre le responsable. Il le craignait et le détestait. Henriette vint nouer ses bras au cou de son mari. « Les malheureux ! soupira-t-elle. Mais je ne veux pas que tu meures. » Elle aimait cet homme consciencieux, plein de bonté pour elle et leurs enfants. Depuis douze ans, elle s’était trouvée heureuse avec lui, même dans les années difficiles où il se débattait contre la mauvaise fortune. Ils avaient connu ensemble les pires difficultés mais aussi de grandes joies. Elle ne savait pas, la douce Henriette, que si Antoine avait été contraint de vendre sa charge de procureur au Châtelet, c’était pour payer ses dettes de jeu. Il ne jouait plus, depuis. « Allons, mon ami, viens souper, dit-elle, nous t’attendions. » Ils montèrent à l’étage au-dessus où se trouvaient la salle à manger et la cuisine. Après le souper, Fouquier redescendit. Son lit était dressé dans son cabinet même, car l’accusateur travaillait fort tard dans la nuit.
    L’audience du 16 s’ouvrit dès huit heures et demie. Fouquier fit d’abord relire le décret, puis il déclara aux prévenus qu’il avait une foule de témoins à produire, cependant il y renonçait puisqu’on n’entendrait pas les leurs. Ils seraient jugés sur pièces écrites et avaient donc à se défendre uniquement contre ce genre de preuves. Danton, Delacroix protestèrent vigoureusement, Herman leur coupa la parole en se mettant à interroger les banquiers autrichiens Frey, beaux-frères de Chabot. Avec eux se terminait la série des interrogatoires. Danton comptait bien reprendre sa défense, comme cela lui avait été promis l’avant-veille. Mais Herman, bien catéchisé par les commissaires et sachant ce qui l’attendait s’il ne les satisfaisait pas, se tourna vers le jury et lui demanda s’il était suffisamment éclairé. Nouvelles protestations véhémentes des accusés. Quoi ! on voulait clore les débats, quand il n’y avait eu ni production des pièces annoncées par l’accusateur, ni réquisitoire ni plaidoiries ! En réponse, le président fit donner lecture du décret en usage depuis le procès des Brissotins, et il invita le jury à se retirer pour délibérer si, oui ou non, il entendait poursuivre l’information. Les sept se retirèrent donc et revinrent au bout de quelques minutes en se déclarant suffisamment éclairés.
    « Jugés sans être entendus ! s’écria Danton. C’est bon, nous

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