Un vent d'acier
les accusés, et qui achèveraient leur victoire. De l’une ou l’autre façon, il se sauvait, lui, car il se serait fait l’auxiliaire des vainqueurs, d’un côté ou de l’autre.
Herman corrigea les termes de la lettre. Cela donnait finalement : « Un orage terrible gronde depuis le début de la séance. Les accusés, en forcenés, réclament l’audition des témoins à décharge, des C iens députés Simond, Courtois, Laignelot, Fréron, Panis, Legendre, les deux Lindet, les deux Merlin, Billaud-Varenne, Mounier-Dupré, etc. Ils en appellent au peuple du refus qu’ils prétendent éprouver. Malgré la fermeté du président et du tribunal tout entier, leurs réclamations multipliées troublent la séance. Ils ne se tairont pas avant que leurs témoins ne soient entendus, ou sans un décret. Nous vous invitons à nous tracer définitivement notre conduite sur cette réclamation, l’ordre judiciaire ne nous fournissant aucun moyen de motiver le refus des témoins. »
En attendant la réponse du Comité, l’audience continua, dans une atmosphère plus calme. Les prévenus croyaient que le message s’adressait à la Convention même, et ne doutaient point d’obtenir satisfaction. C’est pourquoi Danton dit à Herman : « Je te respecte, président, tu as l’âme honnête. » Pendant ce temps, Amar et Voulland roulaient vers le pavillon de Flore, avec le message. Il n’était pas tout à fait le quart avant quatre heures.
Or, le Comité venait de recevoir une lettre d’un agent du service diplomatique, Laflotte, mêlé aux détenus. Il avertissait les Comités d’une conspiration ourdie dans les prisons par le ci-devant général Dillon, autrefois favori de l’Autrichienne et depuis longtemps lié avec le ménage Desmoulins ; par l’ex-constituant Thouret, le député Simond, ancien vicaire épiscopal de Strasbourg, séide d’Hérault-Séchelles, et enfin d’Espagnac qui finançait l’affaire. Un cousin de celui-ci, le général Séhuguet, devait marcher sur Paris à la tête de ses troupes, d’autres seraient amenées par l’ami de Danton, Brune. La femme de Desmoulins correspondait avec les conjurés et tenait, à l’extérieur, tous les fils de la conspiration. Dillon et d’Espagnac lui avaient fait remettre mille écus, pour envoyer du monde au tribunal et provoquer un soulèvement.
Tout cela correspondait bien aux craintes concernant Brune et aux indications fournies par les notes de police. Elles continuaient à mentionner des signes d’agitation dans les prisons et des distributions d’argent aux fins de soulever le peuple. Le message de Fouquier et Herman, arrivant là-dessus, confirma la nécessité de réprimer sur-le-champ toute tentative de trouble. Amar signala le double jeu de Fouquier qui ne se déciderait pas si on ne lui montrait point, en prenant une mesure énergique, une mesure décisive, de quel côté se trouvaient dès maintenant les vainqueurs. La demande de faire entendre des témoins parlementaires était cousue de fil blanc. En plein accord, le Comité réitéra son refus. Il ne pouvait pas davantage être question de finir le procès par décret, mais Voulland reprit la motion soutenue la veille au soir par Vadier et David : mettre les prévenus hors débats.
Claude haussa les épaules. Robespierre, lèvres pincées, pianotant sur le tapis vert où s’allongeait un rayon de soleil, ne disait rien. Lindet faisait une mine franchement réprobatrice. « Non pas tous les prévenus, mais ceux qui provoquent du scandale », proposa la voix douce de Couthon. Aussitôt tout se dégela dans le salon blanc. Barère se mit à parler d’abondance, prouvant que la mesure demeurait dans les plus strictes limites de la justice. Le président et l’accusateur public d’un tribunal n’ont-ils pas pour premier devoir d’assurer l’ordre dans son enceinte ? Carnot, Lindet en convinrent. « Évidemment, reconnut Claude, quand j’étais accusateur, je n’aurais pas souffert qu’un prévenu fît du scandale. » Écarté de la table, assis de côté sur sa chaise, Robespierre semblait se désintéresser de la question. Il regardait les frondaisons du Jardin national, et ne disait toujours rien. Saint-Just prit du papier, rédigea un bref projet de décret dont il donna lecture. On le chargea d’aller le présenter à la Convention. Il s’y rendit avec Barère, Claude et Amar.
L’Assemblée légiférait, en nombre restreint et devant un public qui
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