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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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pièce en relevant, chacun sur la sienne, le petit toit de métal qui protégeait la cuvette remplie de pulvérin. Ils y plongèrent leur boutefeu. La poudre fusa, le grésillement s’enfonça dans la lumière, et les dix canons bondirent, reculant à bout de bragues. Les servants plongèrent leurs écouvillons dans les gueules encore fumantes, pour éteindre les débris. Puis de nouvelles gargousses, de nouveaux boulets, de nouvelles bourres, furent enfoncés à petits coups de refouloirs. Les palans, halés main sur main, firent rouler les massifs affûts de bois, ramenant les canons en position de tir, la volée sortie à travers le sabord. Les pointeurs se courbèrent sur les culasses, visant un but instable, comme le pont lui-même. De la main, ils faisaient signe à leurs aides qui, de chaque côté, avec une barre d’anspect engagée sous l’affût, déplaçaient l’arrière, tout doucement, à la demande.
    Toutes ces opérations s’accomplissaient avec plus ou moins de promptitude selon la qualité des hommes. Aussi Fernand avait-il ordonné le feu à volonté, afin que chaque pièce prête tirât sans plus attendre. L’effet de choc était moins grand, mais les boulets pleuvaient sans discontinuer. Du reste, les 24, en bas, tiraient nécessairement par bordée ou par sections, et la puissance massive leur appartenait. Les Anglais en subissaient les ravages. Néanmoins ils résistaient encore avec énergie, lorsque la Montagne apparut, foudroyante. Incapables de soutenir le Jeu de ses cent vingt pièces lourdes, ils abandonnèrent leurs proies.
    Malheureusement, le Montagnard, le Brutus et deux autres 74 : l’ Indomptable, le Mont-Blanc, étaient désormais hors d’état de tenir la ligne. Il fallut se séparer d’eux. Les moins avariés remorquant les autres, ils reprirent la route de Brest. Avec le gros Révolutionnaire disparu depuis la veille, cela faisait cinq vaisseaux en moins. Howe n’en avait perdu qu’un seul : l’ Auda-cious. On restait à vingt et un contre vingt-cinq.
    Sur le Patriote, une bordée anglaise avait fait quelques dégâts à l’avant, tuant quatre soldats de marine sur le gaillard, arrachant une herpe et brisant le boute-hors de beaupré au ras du chouque. Tout en chassant sous un étai de misaine pour remplacer le foc, le commandant fit tirer de la drome un espars. Les palans de la chaloupe enlevèrent de la grand-rue cette rechange, et les matelots la halèrent au-dessus du marchepied de beaupré. Il n’y eut plus qu’à engager dans l’orifice du chouque, débarrassé des débris par le maître charpentier et ses aides, l’extrémité du nouveau boute-hors. On y capela les drailles des focs, et, en ridant les manœuvres on le fit sortir à la longueur voulue. De nouveau, les voiles avant furent envoyées, étarquées bon plein. Un tel travail n’eût pas demandé deux quarts d’heure à des matelots experts. On y usa près de quatre. Mais plusieurs des deux-ponts britanniques en avaient pour bien plus longtemps à réparer leurs avaries, autrement graves.
    De la soirée, on ne revit pas la flotte anglaise, tandis que Villaret-Joyeuse, regroupant les navires, faisait encore de l’ouest, avec le Patriote, le Juste, le Vengeur à sa suite. On ne la revit pas non plus le lendemain. Au soir, on aperçut, par le travers devant, cinq voiles qui bientôt se révélèrent françaises. C’était la division du contre-amiral Nielly croisant à la recherche du convoi, à neuf cents milles de la côte. Un des vaisseaux, endommagé par une fausse manœuvre dans le gros temps, avait dû rejoindre Brest. Toujours ces gabiers de poulaine ! En revanche, Nielly ramenait le Révolutionnaire qu’il avait pris en remorque et qui s’était réparé suffisamment pour pouvoir de nouveau mettre en ligne ses cent dix pièces. Ainsi, on se retrouvait à égalité de forces avec Howe. Malgré leur infériorité manœuvrière, les équipages voulaient résolument combattre. Ils avaient hissé en tête de mâts des pavillons bleus portant la devise jacobine : « Vivre libre ou mourir ». Ils haïssaient les Anglais qui, loin de leur faire une guerre loyale, affamaient le peuple pour le contraindre à rentrer dans l’ancien esclavage. L’ardeur des hommes sur le Patriote n’était pas refroidie par la mort de leurs quatre camarades. Ils les avaient vus, cousus dans une toile, un boulet aux pieds, glisser à la mer sur la planche suiffée, et ils savaient qu’en cas de bataille ce

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