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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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les coffres.
    Sur le Patriote, Fernand surveillait les préparatifs de la batterie barbette dont les pièces s’alignaient à découvert de chaque côté du pont des gaillards. Plus on s’élevait dans le navire, plus la grosseur et le poids de l’artillerie diminuaient. Question d’équilibre. Dans la 1 re batterie, au-dessus du faux pont, régnait le 24 : onze canons de chaque bord. La 2 e batterie était armée de trente pièces de 18, quinze par bordée ; la batterie barbette ou découverte, de dix et dix pièces de 12, plus, tout à l’avant du tillac, quatre de 8 livres, à longue portée, servant à la chasse. Le grade des officiers diminuait avec le calibre. C’est ainsi que Fernand commandait sur le pont des gaillards, avec un aspirant comme auxiliaire, chacun ayant une bordée directement sous ses ordres. Sur le château arrière, le commandant, le premier lieutenant, l’officier de quart et son assistant veillaient à la manœuvre. Au-dessous du château, les quartiers-maîtres à la barre, debout devant la roue et l’habitacle, gouvernaient, avec des remplaçants près d’eux, prêts à prendre les manettes s’il arrivait malheur au timonier. Tous les matelots portaient le baudrier soutenant le large sabre d’abordage à coquille pleine. Près de chaque canon, dans des baquets, les mèches lentes se consumaient insensiblement sur du sable, sous un couvercle facile à soulever, de façon que les chefs de pièces pussent allumer là ou rallumer leur boutefeu. À côté, les mousses avaient rempli les seaux d’eau dans lesquels les servants tremperaient leurs écouvillons enveloppés de fauberts. D’autres seaux, également pleins, étaient rangés autour des râteliers du mât de misaine et du grand mât. Dans les hululements de la forte brise, tout cela tanguait et roulait en même temps que le vaisseau grimpant vers le ciel sale et crachineux puis redescendant avec un balancement paresseux de la hanche. Les vagues, qui couraient dans le sens de la marche, étaient loin de déferler à bord ; elles brisaient sous l’arrière, et la proue claquait dans l’écume. Le Patriote tenait admirablement la mer, appuyé sur ses huniers, perroquets ferlés, voiles basses relevées sur les cargues. Sous le beaupré, la civadière avait été ferlée aussi sur sa vergue, et ma foi assez correctement, avec ses rabans bien passés. Seul, au-dessus, le clin-foc restait en l’air et plein. De la sorte, on avait du tillac une vue entièrement dégagée, aussi loin, du moins, que l’on pût distinguer quelque chose dans la brouillasse.
    Les Anglais, voilés de brume, arrivaient par le travers, presque à portée. Si l’on voulait continuer à fuir pour les éloigner du convoi, il fallait virer en colonnes. En effet, le signal monta, répété par tous les vaisseaux. Ça va être du joli ! pensa Fernand. Il ne se trompait point, hélas. Le Patriote vira relativement bien, tout en manquant de se faire emporter ses haubans par le beaupré du Vengeur du Peuple aussi pataud qu’au temps où il participait à la police des convois, avec les frégates. Mais, non loin d’eux, le Montagnard, le Brutus, le Tyrannicide : tous trois des 74, culaient ou se laissaient dépaler. En un instant, les Anglais les entourèrent. Sans hésiter, le commandant Charbonnier ordonna de revirer et d’ouvrir le feu. Heureusement, le Patriote était manœuvrant, il accomplissait tout seul la moitié de la besogne. Il s’inclina puis, d’un mouvement merveilleusement aisé, revint à son précédent cap. Escaladant les lames, il fonça dans le vacarme et.la fumée du combat. Au commandement de Fernand, les deux 8 livres, à tribord, avaient commencé le feu. Bientôt, les 24 de la batterie basse rugirent, et, sous l’effet de la décharge, le navire se souleva du bord engagé. Mais cette batterie ne pouvait ouvrir ses mantelets qu’entre deux passages de vagues. Ses boulets firent cependant des ravages, on vit s’abattre un mât de hune sommé de la flamme anglaise.
    Debout sur la claire-voie, au milieu du pont des gaillards, Fernand apercevait par l’ouverture de la grand-rue les servants d’un 18, sur le pont principal, en train de pointer leur canon. Ils s’écartèrent vivement. Presque aussitôt les quinze pièces lâchèrent leur première bordée qui roula comme un grondement de tonnerre. Enfin les 12 livres furent à portée utile. « Feu ! » ordonna Fernand. « Écartez-vous ! » crièrent les chefs de

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