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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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serait leur sort, à beaucoup d’entre eux. Mais ces victimes criaient vengeance, comme tant de malheureux, morts de misère, l’hiver dernier. Fernand, lui, se confirmait dans sa confiance. Le vaisseau ne s’était pas mal tiré de ses contacts avec l’ennemi, et quant à lui-même, après ces vingt-deux jours de travail sous voiles, il tenait ses sections bien en main.
    Il allait achever son quart, le premier de jour, de quatre à huit, lorsque les vigies annoncèrent des voiles en vue par bâbord avant. C’était le 13 prairial, le 1 er  juin, peu après la demie de sept heures. Il faisait clair depuis longtemps sous un ciel plus dégagé, avec de gros nuages blancs qui se poursuivaient sur un fond gris. La brise, toujours de suroît, avait un peu calmi, en revanche la houle ne mollissait guère. Les crêtes des lames écumaient encore contre les mantelets de la 1 re batterie des trois-ponts, fort basse, et lui rendraient de nouveau le tir incommode si les voiles annoncées appartenaient à l’ennemi. Mais il s’agissait peut-être de Van Stabel escortant le convoi. Fernand fit prévenir le commandant. Celui-ci monta aussitôt sur la dunette avec la plupart des officiers, et il envoya un des lieutenants dans la mâture.
    Quand Fernand quitta le quart, nul doute ne subsistait : c’était bien Howe qui se présentait, avec l’avantage de la brise, cette fois. Il avait employé ces deux jours à réparer, puis à décrire un large circuit afin de mettre l’escadre française sous le vent et de la contraindre ainsi au combat. On aurait pu l’éviter encore une fois en virant de bord. C’eût été retomber dans les désordres du 10. Puisque les équipages voulaient la bataille, Villaret-Joyeuse et Jean Bon Saint-André résolurent de l’accepter.
    Fernand déjeunait en hâte au carré, lorsque les tambours, les sifflets donnèrent le signal du branle-bas. De nouveau, les filets de casse-tête furent établis entre les mâts, tout le navire préparé, les canons mis partout en batterie. Du passavant, Fernand vit des boules noires monter aux drisses de l’amiral, éclore en autant de pavillons. Les quartiers-maîtres timoniers, lunette à l’œil, les déchiffrèrent. C’étaient les ordres de bataille, pour tous : ligne de file, au plus près bon plein, sous les huniers. Après quoi la Montagne adressa des signaux individuels aux traînards pour les rassembler, les amener dans la file.
    À neuf heures, l’escadre s’alignait en ordre, chaque navire dans le sillage de son matelot. Le Patriote suivait la Montagne, beaupré pointé sur cette énorme poupe et ses deux vastes galeries en surplomb de la voûte d’arcasse où, par moments, le safran du gouvernail et ses chaînes de sauvegarde ruisselantes se découvraient. La galerie inférieure, couleur chamois comme les lignes des sabords, se rehaussait de bleu et de rouge sombre. La galerie supérieure avait des balustres dorés. Au-dessus, sur le couronnement assez plat, encadré par ses deux fanaux, se dressait le mât de pavillon portant la grande enseigne blanche à franc-quartier tricolore. Le pavillon amiral, bleu, blanc, rouge, était hissé en tête du grand mât, par-dessus la flamme de guerre. Sur les flancs, plus larges au maître bau que le château arrière, on voyait se hérisser la ceinture des canons.
    À bâbord, à contre-vent et à contre-jour – si l’on pouvait parler de contre-jour par cette lumière diffuse –, l’escadre anglaise sortait maintenant tout entière de la mer dont le gris de plomb retournait peu à peu au verdâtre. L’ennemi, mené par la Queen Charlotte, égale en force à la Montagne et arborant comme elle pavillon amiral, bleu surcroisé de blanc et rouge, attaquait par quatre colonnes, en ligne de relèvement, ce qui indiquait, chez Howe, l’intention de rompre sur ces quatre points de rencontre la file française, puis de relever alors ses colonnes afin de prendre entre deux feux l’escadre ainsi tronçonnée. Avant d’y parvenir, messieurs les Anglais allaient essuyer le feu des vingt-six murailles présentant chacune toute son artillerie d’un bord. Et comme ils s’offriraient par l’avant, eux, ils ne pourraient utiliser qu’une petite partie de la leur.
    Très calme, captivé par le métier, Fernand supputait les inconvénients de cette tactique et ses avantages. L’aurait-il employée, à la place de Howe ? Oui, à tout prendre. Il ne faisait courir de péril qu’à ses quatre vaisseaux

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