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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sûr de détenir. Maintenant, il avait oublié Ladmiral et Cécile Renault. Il voyait luire enfin le jour tant désiré. Il était sûr que le peuple entier allait s’unir à lui dans un élan de religion instinctive, se remettre à lui. Alors, soutenu par l’immense force populaire, il écraserait toutes les cabales, anéantirait toutes les formes de corruption, et instaurerait le règne du bonheur dans la simplicité, le naturel, la pureté, l’heureuse vertu.
    De sa chambre, par la fenêtre ouverte, on entendait, à travers la cour et le passage voûté, le va-et-vient des gens dans la rue de la Convention, le bruit allègre des préparatifs. Assis devant sa table, avec Brount à ses pieds, Maximilien donna un dernier coup d’œil à son discours mis au net par Simon l’invalide. Sur une chaise, au pied du lit, attendait non pas l’uniforme quasi militaire des représentants, mais un habit d’une seule couleur : bleu barbeau, et dessus l’écharpe bleu, blanc, rouge, à franges d’or, le chapeau rond, de haute forme, ombragé par un panache tricolore.
    Quand il eut revêtu cet habit sur une culotte de nankin blanc, avec des bas chinés, un gilet blanc, une cravate blanche à jabot de dentelle, il descendit dans la salle à manger. Toute la famille l’attendait, les femmes en toilette claire, Duplay et son fils en costume neuf, Simon dans son uniforme de volontaire, s’appuyant sur une canne pour aider son pilon. Tous se disposaient à aller applaudir le grand homme qu’ils avaient couvé. Il leur sourit avec affection. Il était trop nerveux, trop impatient, pour déjeuner. L’âme brûlait en lui, il vivait de désir, de joie, d’espoir. Éléonore tout émue lui remit le gros bouquet d’épis et de fleurs artificielles : bleuets, marguerites, coquelicots, qu’elle avait confectionné elle-même. Maximilien la remercia tendrement et partit, accompagné par les gardes bénévoles qui ne le laissaient plus sortir sans protection.
    Le canon de huit heures avait déjà tonné sur le Pont-Neuf, les sections étaient en marche, convergeant vers les Tuileries. Leurs cohortes pacifiques s’avançaient par les rues résonnant du roulement des tambours. Chaque façade se parait de festons, de drapeaux ; des guirlandes vertes et fleuries plafonnaient de fenêtre à fenêtre. Le parfum de tant de roses et l’odeur des feuillages coupés imprégnaient l’air. Maximilien alla au Palais national voir si tout y était prêt. Dirigés par l’artificier Ruggieri, des ouvriers avaient travaillé depuis trois heures du matin à retoucher le groupe des figures allégoriques, faites de toile soufrée, qui s’enflammeraient d’un seul coup, sous la main du président de la Convention, pour dévoiler une statue de la Sagesse. Magnifique symbole. Il parlerait à l’âme populaire, estimait Maximilien. Mais l’exécution de ce coup de théâtre causait du souci à l’artificier. Pendant la nuit, il avait jugé bon de donner une autre disposition au léger échafaudage dissimulé sous la toile combustible. À présent, il pensait que cela irait bien.
    La Convention devait se rassembler au pavillon de l’Unité, dans la salle même où le peuple, le 20 juin, avait défilé devant Marie-Antoinette et le dauphin coiffé d’un bonnet rouge. De là, les députés sortiraient en corps sur la plate-forme recouverte d’un tapis tricolore et supportant leurs sièges disposés en hémicycle, avec, en avant, surélevé comme un trône, le fauteuil présidentiel. Pour le moment, personne encore n’était arrivé. Robespierre se rendit dans la salle de la Liberté. Il y trouva Vilatte dit Sempronius Gracchus, beau garçon de vingt-six ans, qui avait été quelque temps professeur à Limoges. Barère et lui l’avaient fait nommer juré au Tribunal révolutionnaire. Claude s’en défiait fort : il le soupçonnait de leur servir d’« informateur », particulièrement à Barère, comme le jeune Jullien servait particulièrement d’« informateur » à Robespierre.
    Vilatte pria Maximilien de venir chez lui attendre l’heure de la réunion. Par les soins de Barère, le jeune homme occupait un logement au pavillon de Flore. Robespierre accepta l’offre. Les manières distinguées de ce garçon, fort enthousiaste du beau et de la vertu, lui plaisaient. Vertueux ! l’était-il tant ? Il vivait avec une très jolie fille, brune au teint clair, gaie, spirituelle, si ravissante que les maîtresses de Barère et du

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