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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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déserté les flots, il arbora le pavillon britannique pour demander du secours à l’ennemi. Le Ramillies ne s’en aperçut pas, il s’éloignait en dérivant. Quant au Brunswick, tout proche, il ne pouvait porter secours à quiconque, toutes ses embarcations étant détruites ou hors de service. Lui aussi, par la même cause que le Vengeur, avait les mêmes voies d’eau, mais il s’était empressé de les obturer. Il n’en demeurait pas moins incapable et d’amariner son adversaire qui se rendait et de le secourir. Les rats, sortant de celui-ci en longues files, se dirigeaient vers le Brunswick.
    Tandis qu’aux environs la bataille continuait, furieuse, ce morceau de mer restait abandonné de tous. Une heure plus tard, vers trois heures après midi, le Trente et un Mai apparut, sortant de la fumée. Aussitôt, Renaudin, amenant le pavillon anglais, rehissa l’enseigne à franc-quartier tricolore, qu’il laissa en berne. À quoi le survenant ne répondit point. Incapable sans doute de mettre en panne ou de manœuvrer par cette grosse houle, il passa, poussé par le vent, sans tenter rien, ni pour son compatriote en perdition ni contre l’ennemi facile à réduire pourtant, au point où il en était.
    Finalement, ce furent, vers cinq heures, deux anglais, le Culloden et le King Alfred qui envoyèrent des chaloupes. Prisonniers, le capitaine Renaudin et son état-major se trouvèrent embarqués les premiers. Parmi toutes les choses auxquelles on ne songea point, ce jour-là, sur le Vengeur, le pire oubli fut celui de cette loi marine selon laquelle le commandant doit rester le dernier vivant à son bord. Avec Renaudin et ses officiers, quatre cents hommes valides ou non grièvement blessés s’entassèrent dans les embarcations. Dès lors, les pompes n’étant plus servies, le navire, qui avait résisté pendant plus de quatre heures à la montée des eaux, coula rapidement. Il s’enfonçait droit, sans prendre aucune gîte, et de plus en plus vite à mesure que la mer atteignait les sabords supérieurs, la galerie de poupe. Les vagues affleurèrent le tillac où l’air, chassé de l’intérieur, s’échappait par les écoutilles en sifflant et projetant des colonnes d’eau pulvérisée. Bientôt, dans une couronne d’écume, n’émergea plus que le gaillard d’arrière sur lequel les blessés graves, les moribonds ressaisirent leurs dernières forces pour lancer une rageuse Marseillaise :
    Allons enfants de la patrie,
    Le jour de gloire est arrivé…
    Oui, il était arrivé, l’instant de la gloire, pour ces hommes lâchement abandonnés, qui mouraient avec ce chant aux lèvres, en martyrs, en héros. Quelqu’un avait trouvé la force de hisser à bloc l’étamine blanche au quartier bleu, blanc, rouge. Un instant, elle resta seule dressée sur l’eau laiteuse et bouillonnante qui s’était refermée sur le gaillard. Quelques hommes accrochés à des épaves, rejetés par la mer, furent encore sauvés.
    Fernand n’avait rien vu de ce drame. Le Patriote combattait beaucoup plus loin dans l’ouest, toujours à la suite de l’amiral qui portait sans cesse sa Montagne sur les points où les Anglais attaquaient le plus rudement. Si tous les vaisseaux s’étaient montrés aussi bons manœuvriers qu’elle, l’ennemi n’eût pas pris l’avantage. Hélas, on voyait d’heure en heure, le pavillon de la république descendre au mât de nouveaux navires désemparés. À deux heures et demie ç’avait été le Sans-Pareil, puis l’ Impétueux. Peu après quatre heures, le Juste. À cinq heures, l’ America, le Northumberland, français en dépit de son nom, et l’ Achille après une magnifique défense, amenaient tous ensemble. Au soir tombant, la flotte ne comptait plus que dix-neuf vaisseaux, dont plusieurs avariés assez gravement. La plupart avaient subi surtout de lourdes pertes en hommes : cinq mille au total, on le sut plus tard. La flotte anglaise était loin, elle aussi, de demeurer intacte. On pouvait encore lui tenir tête, mais Villaret et Jean Bon ne s’illusionnaient pas : on finirait par être écrasés. Ils se décidèrent à la retraite. On mit le cap sur Brest en remorquant les éclopés. Durement éprouvé, Howe, amarinant ses six prises, ne tenta pas la poursuite. En cours de route, on rencontra une escadre ennemie, de neuf vaisseaux, qui manifesta d’abord des intentions menaçantes, puis vira quand Villaret, mettant à l’abri les navires les plus atteints, lui

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