Un vent d'acier
accapareurs et des concussionnaires ». De son côté, Leclerc, dans son Ami du peuple, demandait « l’arrestation de tous les gens suspects afin que la fête du 10 août pût être célébrée avec toute la solennité possible ».
Tandis que les ultra-révolutionnaires surexcitaient ainsi le peuple et faisaient circuler le bruit que l’on allait recommencer les massacres de Septembre, les girondistes et les royalistes masqués préparaient aussi un mouvement contre la Montagne. Ce n’était pas douteux. Les rapports des observateurs l’annonçaient, mais on ne savait quelle en serait la forme. Sans doute, les contre-révolutionnaires chercheraient-ils d’abord à discréditer la Commune.
Le 31 juillet, un ami de Roland, l’architecte Cauchois, soutenu par sa section – celle de Beaurepaire, ci-devant des Thermes de Julien, une des plus modérantistes – et en rapport avec Carra détenu à l’Abbaye, réunit à l’Évêché les délégués de trente-neuf sections. Il leur persuada de réclamer à la Commune les registres des marchés passés avec les fournisseurs, ainsi que la vérification des stocks de grains et de farine dans les magasins municipaux. Les délégués élurent Cauchois secrétaire et choisirent vingt-quatre commissaires à la tête desquels il se présenta le lendemain au Département. Le directoire, présidé par le dantoniste Dufourny, les reçut bien, il leur accorda les honneurs de la séance. Après quoi les commissaires se rendirent à l’Hôtel de ville. L’accueil fut tout autre. Spécialiste des subsistances, Dubon commença par déclarer aux vingt-cinq : « Une pareille démarche ne peut avoir été suscitée que par les ennemis du bien public. Les sections sont pures, mais une impulsion étrangère en dénature l’esprit en ce moment, nous le savons. » Sur quoi Cauchois ayant déclaré d’un ton très jacobin : « Nous ne venons pas vous demander votre avis. Nous venons, par la volonté du peuple, vous apporter les ordres de vos commettants. Il ne vous reste qu’à obéir », il y eut un certain flottement dans le conseil. Mais Boucher observa qu’à moins de révoquer préalablement leurs mandats les sections ne pouvaient point, avant l’expiration de ceux-ci, demander des comptes à leurs élus. Là-dessus Dubon, appuyé par plusieurs collègues, déclara vertement : « La section Beaurepaire s’est toujours signalée par son zèle à favoriser les ennemis de la Révolution. Rien d’étonnant qu’elle soit la première à entretenir par des inquiétudes sur les subsistances les troubles qui agitent la république. » La visite se termina par des injures réciproques.
Furieux, les commissaires se précipitèrent à la Convention, au Comité de l’agriculture présidé par le grainetier Vilmorin qui les calma un peu en leur conseillant de présenter, le lendemain, une pétition à l’Assemblée. Ils allèrent alors au Comité de Salut public. Pache et Dubon en sortaient. Il était minuit. Barère, organe du Comité, dit à la délégation qu’on appuierait leurs demandes parce qu’elles étaient justes, importantes et fondées en droit. Toutefois, en raison de la fête du 10, il valait mieux remettre au 12 ou 15 les vérifications et l’ouverture des magasins.
« Le Comité, ajouta-t-il, s’occupe, en accord avec celui d’agriculture, d’un grand projet relatif aux subsistances. »
C’était vrai : on préparait une loi qui créerait des greniers publics.
Le Comité n’avait pas la moindre intention d’ouvrir jamais les magasins municipaux, ni avant ni après la fête. Néanmoins ces réponses rassurèrent les délégués des sections, ce qui ne faisait nullement l’affaire de l’architecte rolandiste. Il protesta, le lendemain et les jours suivants, par de violents placards, tandis que Jacques Roux et Leclerc d’Oze se déchaînaient, dans leurs feuilles, en proclamations incendiaires.
Roux ne visait évidemment à rien de moins qu’à une nouvelle épuration de la Convention. Il réclamait la guillotine « pour les députés des trois assemblées successives qui ont reçu l’or des tyrans ». Il exigeait l’arrestation de tous les banquiers « qui sont par état les valets des rois, les accapareurs de numéraire et les auteurs de la famine ». Il voulait que l’on fît rendre gorge non seulement à « tous ces mauvais citoyens qui ont acquis depuis quatre ans des domaines immenses, à ces égoïstes qui ont profité
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