Un vent d'acier
des malheurs publics pour s’enrichir », mais encore à « ces députés qui, avant leur élévation inopinée à l’aréopage, n’avaient pas un écu par jour à dépenser et qui sont aujourd’hui de gros propriétaires, ces députés qui exerçaient l’état de boucher dans des rues fétides (autrement dit, Legendre) et qui occupent maintenant des appartements lambrissés, ces députés qui, avant de parcourir la Savoie et la Belgique (autrement dit Hérault-Séchelles, Danton, Delacroix) prenaient leurs repas dans de petites hôtelleries et qui ont aujourd’hui table ouverte, qui fréquentent les spectacles, entretiennent des catins et ont à leur solde des panégyristes ».
Plus violent encore, Leclerc attaquait la Convention en bloc : « Peuple, tu as à te plaindre de tes législateurs. Tu leur as demandé la taxation de toutes les denrées de première nécessité, on te l’a refusée, l’arrestation de tous les suspects, elle n’est pas décrétée, l’exclusion des nobles et des prêtres de tous les emplois civils et militaires, on n’y a pas accédé. Cependant la patrie ne doit attendre son salut que d’un ébranlement révolutionnaire qui, d’une extrémité à l’autre, donne une secousse électrique à ses nombreux habitants. »
On ne pouvait appeler plus clairement à l’insurrection. Seul, à défaut de Marat, Robespierre était en situation de riposter. Il le fit, aux Jacobins, le 5 août. Claude, qui, au Comité, avait laissé à Couthon la correspondance, pour s’occuper, à la place de Delmas de fournir en vêtements et subsistances les armées – rude besogne – n’assistait pas à cette séance, mais il en eut de nombreux échos. Le petit Vincent, le secrétaire à la Guerre, loin de se tenir tranquille après avoir été confirmé au ministère avec Bouchotte, reprenait ce soir-là les accusations de ses amis les Enragés contre la Convention dans son ensemble, et nommément contre Danton et Delacroix. Maximilien l’interrompit sèchement. « Des hommes nouveaux, dit-il, des patriotes d’un jour veulent perdre aux yeux du peuple ses plus anciens amis. » Il défendit Danton « qu’on ne discréditera qu’après avoir prouvé qu’on a plus d’énergie, de talents et d’amour de la patrie ». Puis, passant au-dessus de Vincent, il atteignit ses inspirateurs, Leclerc d’Oze et Jacques Roux : « deux hommes salariés par les ennemis du peuple, deux hommes dénoncés par Marat et qui invoquent le nom de Marat pour mieux discréditer les vrais patriotes ».
À la séance suivante, le 7, poursuivant l’offensive, il mit les Jacobins en garde contre des mesures exagérées, tout juste bonnes à perdre la république. Il accusa les Enragés de fomenter un complot pour « renouveler les horreurs de Septembre ». Comme il avait défendu Danton il défendit Pache, Hanriot, la Commune, et comme il avait fustigé les Enragés il fustigea l’architecte Cauchois et les séides de la Gironde, les royalistes masqués, « meneurs fourbes des sections qu’ils tentent de soulever contre la représentation nationale ». Le club montra sa pleine approbation en élevant l’Incorruptible à la présidence.
Ainsi soutenu, le lendemain il porta le coup décisif devant la Convention en faisant paraître à la barre Simone Évrard, la veuve de Marat. Elle dénonça « les libellistes hypocrites qui déshonorent le nom de mon mari en prêchant des maximes extravagantes. Ils cherchent à perpétuer après sa mort la calomnie parricide qui le présentait comme un apôtre insensé du désordre et de l’anarchie ». Là-dessus, Robespierre demanda un rapport sur la conduite de Jacques Roux et Leclerc. L’Assemblée les déféra au Comité de Sûreté générale.
Le même jour, Barère, au nom du Comité de Salut public, faisait voter un décret organisant dans chaque district de la république un « grenier d’abondance » qui serait alimenté par les contributions en nature, obligatoires pour les récoltants, et par un crédit de cent millions destinés à l’achat de céréales. Décret à longue échéance, car il faudrait du temps pour remplir ces greniers, mais il montrait au peuple que l’on se souciait de sa disette. Au demeurant, le Comité, grâce au concours de Cambon, avait agi avec efficacité afin de calmer les sections en assurant le ravitaillement de Paris. Dès la fin de juillet, on avait mis à la disposition de la Commune cinq cent quarante mille
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