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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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francs pour achat de bœufs et de riz. On ajouta deux millions, le 7 août, pour achat de grains et farines. Puis encore trois millions. Comme au temps où Dubon allait lui-même chercher sur place du froment, des conventionnels résolus furent envoyés quérir les blés dans les départements qui les retenaient. Ces commissaires avaient droit de réquisition et droit de faire battre les grains en gerbe.
    En peu de jours, avec l’énergique appui de Robespierre, le Comité avait sensiblement amélioré sa position. Plus actif, occupé des tâches immédiates, il permettait à la Convention de travailler aux grandes institutions : Code civil, conversion de toutes les créances conformément à la création du livre de la Dette. Elle organisait l’instruction publique. Lakanal faisait expérimenter une merveilleuse invention de deux ingénieurs, les frères Chappe : le télégraphe aérien, grâce auquel on correspondrait en quelques instants avec les points du territoire les plus éloignés. On décidait la construction immédiate de deux lignes, l’une entre Paris et Lille, l’autre entre Paris et Landau, pour communiquer avec les armées.
    C’étaient elles, la préoccupation et l’inquiétude dominantes du Comité, et c’était particulièrement à leur propos que Danton mettait une insidieuse insistance à le harceler. Par ce magnifique été, Danton préférait, disait-il, à l’atmosphère étouffante du Palais national le grand air de la campagne, et aux ennuis du pouvoir les plaisirs de l’amour, les joies de la famille. Cependant, porté pour quinze jours à la présidence de la Convention, il y déployait sa familiarité rude et séduisante, avec laquelle il prétendait s’établir en arbitre au-dessus des partis, en censeur du gouvernement. Claude le trouvait singulièrement agaçant dans son nouvel avatar, cet animal. Quelle peine prenait-il, lui ? Il s’étalait, jouissait de la vie comme si la république, au lieu d’être au bord du gouffre, eût nagé dans la paix et l’abondance. Il ne connaissait aucune restriction, ne se privait d’aucun plaisir. Au milieu des terribles difficultés et des périls actuels, quand on s’éreintait jour et nuit, au pavillon de Flore, à des tâches écrasantes, quand, serrés dans la tenaille de l’ultra et de la contre-révolution, on s’épuisait à repousser tout ensemble les excès des Enragés et les sournoises manœuvres des propres amis de Danton, on supportait mal ses admonestations, à ce gros sybarite. Qu’avait-il donc accompli, lui-même, ici ? Avec ses visées de haute politique, se faire berner par la Prusse et l’Angleterre, choisir pour général en chef un Custine après avoir soutenu un Dumouriez : belle besogne ! qui lui donnait bien le droit de critiquer les autres.
    Claude ne le lui envoya pas dire. Il ne voulait quand même point l’attaquer à la tribune, mais, tête à tête dans le petit salon qui s’ouvrait derrière l’estrade présidentielle, il lui déclara carrément :
    « Je t’en préviens, Georges, ne nous chatouille pas trop, car si tu nous poussais à te chercher des poux, on en trouverait assez dans ta grosse tête pour te mettre à ton tour fort mal à l’aise. Tu m’entends, mon ami ?
    — Je t’entends et je pleure. Quoi ! c’est toi…
    — Moi-même. Je ne t’ai jamais caché mes sentiments, n’est-il pas vrai ? Il ne me paraît pas qu’en ce moment l’intérêt public te guide, or j’y sacrifie trop pour ne point le faire passer avant l’amitié. »
    Il soupçonnait Danton de feindre un détachement sous lequel il masquait l’envie de revenir au pouvoir. Quand il le détenait, il le négligeait, s’en disait las, aspirait au repos ; quand il ne l’avait plus, il voulait le reprendre. On ne pouvait douter qu’à l’heure présente il n’essayât de le reconquérir en discréditant le Comité « régénéré ». Dans l’ancienne chapelle et la salle de la Liberté, dans les couloirs, on le voyait caresser à la fois les modérés et les Montagnards, prendre des collègues sous le bras, s’épancher avec sa rondeur bon enfant. Auprès des uns et des autres, il s’étonnait que les efforts de ses successeurs, efforts méritoires, auxquels il rendait hommage, ne produisissent point meilleurs résultats. Robespierre le surprenait, il lui aurait cru plus de fermeté, de décision.
    Claude estimait injustes ces critiques. Maximilien, certes, ne manquait pas de défauts, du

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