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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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droit, elle les jeta au fond d’un cul-de-basse-fosse, dans la citadelle de Kuffstein. Par ce défi, François II venait de condamner sa tante à mort. La cour de Vienne la détestait, on lui imputait tout le trouble de l’Europe.
    Aux deux Comités, on n’ignorait point les tentatives accomplies pour l’enlever, et Claude n’était pas seul à regretter profondément que la dernière n’eût pas réussi. Certes, on ne pouvait approuver la conjuration du jeune municipal Toulan pour faire sortir du Temple la reine, son fils et les princesses, les conduire en Normandie puis en Angleterre. Il s’en était fallu de peu que Toulan, aidé par le royaliste Jarjayes, n’y parvînt. C’eût été désastreux, car le petit roi en liberté eût donné une force redoutable à la coalition de tous les monarchistes contre la république. Pour la même raison, Michonis, autre municipal, était très coupable d’avoir repris la même tentative, avec l’épicier Cortey. La reine, les princesses, vêtues de capotes d’uniforme, l’arme au bras, et dissimulant entre elles le petit Louis-Charles, devaient sortir du Temple à la nuit, au milieu d’une patrouille commandée par Cortey, capitaine de la garde nationale. Michonis dénoncé comme Toulan, appelé à l’Hôtel de ville, n’avait pourtant pas été mis en arrestation, malgré l’évidence de sa culpabilité.
    Mais, après le 2 août, une fois Marie-Antoinette transférée à la Conciergerie, il n’y avait plus crime à vouloir la délivrer, elle seule. Parmi les membres de la Commune, parmi ceux des deux Comités, certains partageaient assurément, sans le dire, cette opinion avec Dubon et Claude. Car, pensaient les deux beaux-frères, laisser la reine, de semaine en semaine, à la Conciergerie et Michonis en liberté, nanti comme tout municipal du droit de visiter les prisons, c’était en quelque sorte l’inviter à recommencer sa tentative. Ce à quoi il n’avait pas manqué. On ne l’avait su que par son échec, dû à la sottise d’un gendarme. Michonis avait introduit dans la Conciergerie un certain Gonsse, ci-devant de Rougeville, qui avait gagné le ménage Richard, organisé l’évasion et avisé la reine par un billet caché dans un œillet. Dans la nuit du 2 au 3 septembre, Michonis et Rougeville, accompagnés par le gendarme Gilbert, étaient venus chercher Marie-Antoinette dans son cachot, lui avaient fait traverser sans encombre la pièce où veillaient les gardes, passer les guichets, gravir le petit escalier par lequel les condamnés accédaient à la cour du Mai. Il ne restait plus qu’à franchir la grille derrière laquelle attendaient d’ordinaire les charrettes du bourreau. Là, soudain Gilbert, cédant à la peur, avait cané. N’écoutant ni supplications ni promesses, il avait fait demi-tour, ramenant la reine à son cachot, pour tout dénoncer, le lendemain. Rougeville en fuite, Michonis avait été arrêté, traduit devant le Tribunal révolutionnaire et condamné seulement à la détention jusqu’à la paix. Dès lors, plus d’espoir : sous la pression des Hébertistes, il avait fallu entourer la prisonnière d’une garde telle qu’aucune nouvelle tentative n’était possible.
    Néanmoins près d’un mois s’était encore écoulé sans que l’on fît rien pour l’envoyer au tribunal. Mais après le défi de l’Autriche on ne pouvait plus temporiser. Claude s’efforça vainement de montrer que l’acte de François II était calculé pour contraindre la République française à une riposte par laquelle on voulait la rendre odieuse : complot permanent de tous ses ennemis, de tous les tyrans. Billaud-Varenne répliqua sévèrement et obtint que le décret d’accusation, porté depuis deux mois contre la ci-devant reine, fût enfin appliqué.
    Claude ne voulut rien savoir de son procès, de son exécution. Ces trois grises et pluvieuses journées d’automne qui virent les débats à la Tournelle puis la « dernière promenade de la veuve Capet » dans la charrette rouge, au long de la rue Saint-Honoré, vers l’échafaud dressé devant la grille des Tuileries, il les passa enfermé, à travailler comme un bœuf, sans se rendre à la Convention, pour n’entendre parler de rien. Après avoir admiré, aimé, détesté Marie-Antoinette, il n’éprouvait plus que de la pitié pour son infortune. Il oubliait la reine ; il pouvait ne point songer qu’elle avait vécu dans cet appartement même, dormi, rêvé

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