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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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éloquente, dit Bazire. Elle parle bien d’abord et attaque ensuite les autorités constituées… Dans un discours que j’ai entendu, elle a tiré à boulets rouges sur les Jacobins et sur la Convention. »
    Leclerc fut comparé aux journalistes Durosoy et Royou « qui ne tenaient pas un autre langage quand ils payèrent de leur tête la peine de leur folie et de leur scélératesse ».
    La jolie actrice demandait vainement la parole au président, Sijas en l’occurrence. Il persistait à la lui refuser. Elle voulut la prendre. Un tollé s’éleva. « À bas l’intrigante ! À bas la nouvelle Corday ! » criaient les citoyennes, dans leur tribune. Sijas se couvrit. Une fois le calme revenu, on décida : 1 o  d’inviter expressément la Société des Femmes révolutionnaires à s’épurer, faute de quoi on lui retirerait l’affiliation ; 2 o  de conduire sur-le-champ Claire Lacombe au Comité de Sûreté générale.
    Celui-ci l’incarcéra provisoirement sur place, dans l’hôtel de Brionne où se trouvaient les bureaux et annexes de la Sûreté, au coin du Petit-Carrousel. En même temps il faisait mettre sous scellés l’appartement occupé par l’actrice à l’hôtel de Bretagne, rue Croix-des-Petits-Champs. Un peu plus tard, à la séance des deux Comités, au pavillon de Flore, on parla d’elle. Ce n’était pas une contre-révolutionnaire, on le savait bien. Sa sincérité initiale ne laissait pas de doute. Comme toutes les ménagères, elle souffrait de la vie chère, de la pénurie. Plus active, plus douée pour la parole et l’action, elle avait pris la tête de ses pareilles pour exprimer leur mécontentement, sans autre tort que de s’associer un peu trop aux Enragés. Le lendemain, les scellés furent levés et Claire relâchée. La leçon suffirait, comptait-on.
    Au contraire, Varlet, amenant des sectionnaires présenter à l’Assemblée une pétition insolente, fut arrêté pour de bon et emprisonné aux Madelonnettes.
    La veille, Merlin de Douai et Cambacérès, au nom du comité de législation, avaient proposé, pour répondre au vœu émis le 5 par Bazire, une définition des suspects ainsi conçue : « Sont réputés suspects ceux qui, par leur conduite, leurs relations, leurs propos ou leurs écrits se sont montrés partisans de la tyrannie, du fédéralisme, et ennemis de la liberté ; ceux qui n’auront pu obtenir de certificat de civisme (ces certificats étaient délivrés dans chaque section par le Comité révolutionnaire), les ci-devant nobles qui n’auront pas constamment manifesté leur attachement à la Révolution, les émigrés, même s’ils sont rentrés, les parents d’émigrés, les prévenus de délits, même acquittés. »
    Claude vota cette loi, si léonine qu’elle fût, car il fallait bon gré mal gré se défendre, il fallait pouvoir atteindre tous les ennemis de la nation, depuis les royalistes déclarés jusqu’au paysan égoïste retenant son grain, depuis les agents de l’émigration et de Pitt jusqu’aux marchands qui dissimulaient des denrées pour les vendre au prix de l’or, jusqu’aux ouvriers refusant de travailler au salaire légal. Oui, assurément, on s’enfonçait de plus en plus dans un autoritarisme auprès duquel l’ancien régime semblait tout paternel. Jacques Roux ne mentait pas en proclamant cette évidence que Claude et Dubon déploraient ensemble aux rares moments où l’on se retrouvait en famille. Cette tyrannie contraire à la raison, cette impitoyable cruauté contraire au sentiment humain, on y avait été entraîné par une surenchère déjà fatale avant la mort du roi, mais que les Enragés, les Hébertistes avaient considérablement accélérée. Pris dans cet engrenage, avec derrière soi la menace du monarchisme, du royalisme, on ne pouvait plus rétrograder.
    À la Convention, Claude dut, comme ses collègues, accepter l’établissement du maximum général promis le 5 et dont aucun esprit réfléchi ne voulait. À la Commune, Dubon ne protesta pas quand l’assemblée municipale refusa violemment la mise en liberté de Jacques Roux demandée par quelques citoyens des Gravilliers. Pourtant Dubon, au fond de lui-même, tenait le Curé rouge pour un républicain sincère. Voyant la misère, il dénonçait les abus et proposait les remèdes empiriques suggérés, au jour le jour, par les circonstances. Hébert, qui, debout au bureau, énumérait avec indignation les « crimes » de Jacques Roux,

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