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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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noirs, cravate blanche, chapeau à la Henri IV, relevé devant, sous un panache de plumes noires ; en sautoir, le ruban tricolore soutenant la médaille, insigne de leurs fonctions. Contre le fond de papier gros bleu sur lequel se détachaient à présent les bustes de Le Pelletier et de Marat, siégeaient le jeune président Herman – trente-quatre ans – et les juges, au-dessous d’eux, Fouquier-Tinville, à sa table soutenue par des griffons. À gauche, entre les fenêtres, sur des banquettes en étages, les jurés : carmagnoles, bonnets rouges, toques de fourrures et redingotes. En face, au-delà du « parquet » vide, dallé de marbre noir et blanc, les accusés, étagés eux aussi sur des bancs et gardés par des gendarmes le sabre à la main.
    Parmi les prévenus, se trouvait l’un des députés de la Haute-Vienne : Lesterpt-Beauvais. Claude s’était employé à faire disjoindre son cas par le Comité de Sûreté générale, mais Amar, rédacteur de l’acte d’accusation, n’avait rien voulu entendre. De plus, Gay-Vernon à la Convention, Xavier Audouin à la Commune, prenaient parti contre leur compatriote dont le Comité révolutionnaire et les Jacobins de Limoges réclamaient la tête. Le grief le plus grave à son endroit n’était point la lettre adressée par lui et les girondistes de la députation limousine au directoire du Département, en juin dernier, mais le fait qu’envoyé peu après en mission à Saint-Etienne, il avait laissé piller la manufacture par les rebelles de Lyon qui s’étaient armés là. Les deux faits conjugués montraient en lui un fédéraliste déterminé, à sa place sur les bancs du tribunal avec les plus coupables Brissotins. En revanche, les autres signataires de la lettre : Faye, Soulignac, Rivaud du Vignaud, avaient été mis simplement au nombre des soixante-treize en état d’arrestation chez eux.
    Vergniaud, empâté par la détention, semblait, à trente-cinq ans, vieilli, las, dans un habit bleu qui l’engonçait. Le petit vieux marquis de Sillery, infirme, marchant avec deux cannes, était vif, Valazé indigné, Gensonné calme et froid. Ducos, épargné au 2 juin à la demande de Marat, partageait désormais, ainsi que Fonfrède, le sort de leurs amis. Fauchet promenait sur l’assistance un œil indifférent. Lui, revenu de la Bastille avec sa soutane criblée de balles, on l’accusait aujourd’hui de complot contre la liberté ! On l’avait arrêté sous l’inculpation de complicité avec Charlotte Corday, et il ne la connaissait même pas. Prétexte, comme la plupart des faits articulés contre eux tous. Ce qu’on ne leur pardonnait pas, en réalité, c’était le fédéralisme, Bordeaux, Avignon, Lyon, Marseille, Toulon. Ils étaient condamnés d’avance, à quoi bon se défendre ?
    La plupart d’entre eux se défendirent néanmoins avec acharnement, discutant les témoignages de Pache, de Chaumette, de Destournelles, ministre des Contributions publiques, qui se bornèrent à répéter des choses banales : les accusés avaient poursuivi la Commune, diffamé, menacé Paris, voulu instituer une garde départementale, provoqué la province à la rébellion. Hébert relata son arrestation par la commission des Douze et accusa le ménage Roland d’avoir voulu acheter Le Père Duchesne. Les témoins les plus venimeux furent Chabot et Fabre d’Églantine. Ils déclarèrent que les Brissotins avaient machiné les massacres de Septembre et le vol du Garde-Meuble pour les rejeter ensuite sur les patriotes. « J’aurais pu sauver les prisonniers, s’écria Chabot. Mais Pétion a excité les égorgeurs en les faisant boire, et Brissot n’a pas voulu qu’on les arrêtât, parce qu’il y avait dans les prisons un de ses ennemis, Morande ! »
    Chabot parla pendant des heures. La nuit était venue, on avait allumé les quinquets. La pluie fouettait les vitres noires. L’ex-franciscain refit tout le tableau de la politique girondine, précédemment dressé par Robespierre et par Saint-Just à la Convention, et montra que dès le ministère Narbonne elle avait été antirévolutionnaire. Mais dans tout cela, comme dans les débats du lendemain, nul ne fournit une preuve matérielle du complot dont on accusait « la faction ».
    Nous en formions si peu une, répondaient les prévenus, que nous ne nous accordions pas. « Je n’étais pas l’ami de Roland », dit Vergniaud. « À la commission des Douze, j’étais contre

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