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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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sous les peintures de Mignard, dans le salon du Comité où se dressaient encore les colonnes de son alcôve, que sa main avait touché le bec-de-cane de ces portes, sa robe frôlé leur chambranle, ses pieds parcouru ce couloir, cet escalier, que le jour où elle avait refusé de recevoir les commissaires de la Constituante parce qu’elle prenait son bain, si elle le prenait vraiment c’était ici, dans ce cabinet. Tout cela, on pouvait l’effacer, le haïr, car c’était alors et dans ces pièces qu’elle correspondait avec son frère puis avec son neveu pour comploter l’invasion, qu’elle préparait avec Fersen l’enlèvement du roi, et ensuite induisait en illusion Barnave, machinait la résistance, l’armement des Tuileries en attendant la venue de l’étranger. Mais, tandis qu’on menait au supplice la ci-devant reine, Claude ne pouvait pas ne point se souvenir de la femme : la femme éblouissante, si fière dans sa blondeur, avec ses yeux bleus, qui lui avait inspiré la force de conquérir la sienne.
    Au demeurant, en ces lugubres journées une affaire très grave, bien de nature à occuper entièrement l’esprit, agitait les commissaires, au pavillon de Flore et au pavillon de Marsan. Au moment où Marie-Antoinette allait comparaître devant le tribunal, Fabre d’Églantine avait demandé à être entendu en secret par une dizaine de membres des deux Comités, qu’il désignait nommément : Robespierre, Saint-Just, Mounier-Dupré, Le Bas, Panis, Vadier, Amar, David, Moïse Bayle et Guffroy. La réunion s’était tenue, d’une façon quasi clandestine, au premier étage, dans l’ancienne salle du Conseil royal où les gardes du corps, au retour de Varennes, avaient été mis en arrestation par Pétion et Barnave, où le flot du peuple avait défilé devant la reine, le 20 juin. Là, Fabre dénonça un grand complot formé par les agents de l’étranger déguisés en ultra-patriotes, en ultra-révolutionnaires. Il cita Proli, Desfieux, Dubuisson, Pereyra et leurs protecteurs : les conventionnels Chabot, Julien de Toulouse, enfin Hérault-Séchelles.
    « Julien et Chabot, dit-il, sont des instruments entre les mains de Desfieux, de Proli qui ont entraîné Chabot chez le banquier bruxellois Simon et chez ses femmes. Ils l’ont marié à la sœur de Junius Frey, de son vrai nom le baron de Schoenfeld, Autrichien, qui a des parents parmi les généraux ennemis. Qu’est-ce donc que cette dot de deux cent mille livres avouée par Chabot, sinon le prix de sa corruption ? »
    Proli tenait également Hérault-Séchelles, lequel le logeait dans sa maison, l’avait fait son secrétaire et employait à des missions secrètes en pays étrangers un tas d’hommes suspects. Hérault pouvait bien être lui aussi du complot. Il s’agissait de discréditer la république en outrant l’esprit révolutionnaire, en poussant aux pires exagérations.
    Claude en effet soupçonnait Séchelles de communiquer à Proli, vraisemblablement espion de Vienne, les secrets du Comité, mais Robespierre n’avait pu en obtenir aucune preuve. Le fastueux et voluptueux Hérault entretenait tout un sérail – dont avait fait partie Babet Sage – et n’y parvenait assurément pas avec son seul traitement. Sa favorite présente, la brune Adèle de Bellegarde, ramenée de sa mission en Savoie, était femme d’un colonel servant dans l’armée du roi de Sardaigne. D’abord feuillant puis brissotin puis hébertiste, Séchelles favorisait les outrances antireligieuses et la politique de guerre conquérante chères à son acolyte le baron prussien Clootz. Rien de tout cela cependant, ni les accusations de Fabre ne fournissaient des imputations formelles contre Hérault.
    Après en avoir longuement délibéré, on s’en tint, pour le moment, à l’éloigner de Paris. Le 12, un arrêté signé par Carnot l’expédia en mission dans le Haut-Rhin où il serait sous la surveillance de Saint-Just et Le Bas, eux-mêmes chargés de mission à Strasbourg.
    Mais dès le 11, immédiatement après les révélations de Fabre, sur ses dénonciations expresses le Comité de Sûreté générale avait procédé, et procéda jusqu’au 13, à plusieurs arrestations de meneurs hébertistes, de supposés agents ou complices d’Hérault-Séchelles. Dans le nombre figuraient un ancien agent du Comité de Salut public, Louis Comte, l’agitateur Rutledge, d’origine anglaise, le Hollandais Van den Yver, banquier de la Du Barry et

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