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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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internationale » et les drapeaux du FNL ou Front national de libération du sud du Viêt Nam sont omniprésents. On peut y entendre le bruit de la circulation sur la route nationale.
    Encadrés par des Viêt Côngs, nous passons deux jours à sillonner cette campagne le long du Mékong et assistons, un soir, à une représentation offerte par une troupe de théâtre « au front ». Je suis alors très reconnaissant à Pham Xuân Ân du service qu’il m’a ainsi rendu, même si la publication de mon reportage me vaut une première interdiction de séjour dans le Sud. Si j’en conclus que Pham Xuân Ân doit au moins être en contact avec les Viêt Côngs, je le garde pour moi et n’imagine pas un seul instant qu’il est un officier supérieur des services de renseignements communistes. Je me souviens seulement d’une conversation, une année plus tard, au cours de laquelle j’ai demandé à Robert Shaplen, journaliste américain, son opinion sur le sort qui pourrait être réservé à nos amis vietnamiens en cas de victoire communiste. Bob m’avait répondu qu’il ne s’inquiétait pas trop pour Pham Xuân Ân.
    En 1978, malgré ses profondes cicatrices, la guerre s’est déjà assez éloignée de l’actualité pour que les révélations sur le rôle de Pham Xuân Ân ne fassent pas sensation. Il ne s’agit, en effet, que de la partie émergente de l’iceberg : l’espion qui a réussi à traverser un quart de siècle de guerres – ce qui constitue déjà un exploit –, sans se faire repérer. L’espion parfait. Rédigée dans le style parabolique des marxistes, la citation justifiant l’attribution de la dignité de « héros de l’Armée populaire » est beaucoup plus élogieuse qu’explicite. Pham Xuân Ân, explique-t-elle, « a répondu aux besoins des services de renseignements de 1952 à avril 1975 », « a travaillé et vécu avec l’ennemi pendant vingt-trois ans tout en restant d’une loyauté absolue à l’égard du Parti » et « a fermement cru en la victoire de notre révolution ». Un parcours sans faute mais sans détails. Quelles vérités peuvent se nicher derrière ce verbiage ?
    Comme son identité n’a pas encore été révélée en 1976, cette dignité est accordée à son nom de guerre Trân Van Trung, alias Hai Trung. Une erreur, qui le fait rire aujourd’hui, se glisse même dans son nom de guerre. La presse vietnamienne cite Nguyên Van Trung au lieu de Trân Van Trung. « Comme je suis né à Biên Hòa, les autorités de la ville ont cherché à savoir qui était leur héros et elles n’ont pas trouvé », dit-il.
    À l’étranger, on n’y prête aucune attention. Sans doute parce que la presse occidentale n’est pas encore autorisée à couvrir ce genre d’événement, personne ne le repère, sous ce nom d’emprunt et en uniforme, quand il participe au IV e Congrès du PC réuni à Hà Nôi, celui qui sanctionne la réunification du pays et la création de la République socialiste du Viêt Nam. « La sécurité de trop de gens aurait été mise en cause si on avait révélé mon nom, on a donc attendu deux années de plus » – telle est son explication.
    C’est seulement au fil des années 1990, quand le Viêt Nam s’ouvre de plus en plus sur le reste du monde, que la véritable dimension du personnage se révèle. Le voile ne s’est levé que progressivement, pour plusieurs raisons : le repli temporaire du Viêt Nam communiste sur lui-même ; la culture du secret héritée à la fois de la résistance et du communisme ; les méfiances des apparatchiks ; enfin, le tempérament du personnage.
    Pham Xuân Ân ne se met jamais en avant. Il est tout sauf un vantard. Si quelqu’un accapare la conversation, il reste dans son coin, tranquillement. Je me souviens d’un dîner à Sài Gòn, dans les années 1990, avec des commerçants français, au cours duquel, assis en bout de table, il n’a pratiquement pas prononcé un mot. Ou d’un autre, quand il a laissé un hiérarque du Parti monologuer sur la guerre, sans jamais l’interrompre. Il a un réflexe sans doute pris sous la pression de son travail : un sens profond de l’essentiel – et les conversations futiles le laissent indifférent. Enfin, il ne peut pas tout dire.
    Parmi les premiers Occidentaux autorisés à le rencontrer à partir de 1989 figure une ancienne correspondante de guerre américaine, Laura Palmer, qui l’a baptisé « général Givral », ce

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