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Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique

Titel: Un Vietnamien bien tranquille : L'extraordinaire histoire de l'espion qui défia l'Amérique Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Claude Pomonti
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l’existence de multiples canaux entre les deux camps en présence. J’avais été notamment lié à plusieurs familles de la bourgeoisie du cru dont un membre au moins avait choisi le camp adverse. Au Sud-Vietnam, beaucoup de gens connaissaient un parent, proche ou éloigné, qui militait chez les communistes.
    À cette époque, après la française, il y avait la guerre américaine et, à ses côtés, sans frontière entre les deux, l’embrouillamini vietnamien, mélange de choix définitifs ou passagers, de fidélités et de trahisons, de rancœurs, de rêves brisés, de passions. Il y avait aussi cette toile tissée et retissée par l’appareil communiste qui avait canalisé le grand élan des années 1940 en faveur de l’indépendance. Que Pham Xuân Ân ait pu jouer un rôle si important sans jamais se faire pincer tenait déjà de l’incroyable. Or, il avait fourni des renseignements cruciaux à Hà Nôi jusqu’à la dernière heure.
    Cette nouvelle me replonge aussi, non sans nostalgie, dans l’ambiance prenante du début des années 1970. Je couvrais alors la guerre du Viêt Nam pour Le Monde . Je pense aux amis vietnamiens dont j’étais sans nouvelles depuis déjà trois ans. Que sont-ils devenus ? Après la victoire, une chape de plomb a recouvert ce pays. Puis, dans un deuxième réflexe, je ne peux m’empêcher d’esquisser un sourire. Je me souviens de la silhouette de Pham Xuân Ân, légèrement voûtée déjà en 1974, quand il quittait l’hôtel Continental, en solitaire, pour regagner son domicile ou se rendre à l’un de ses rendez-vous dont j’ignorais l’importance. Nos amis communs, les discussions à bâtons rompus chez Givral…
    Deux ans avant la fin de la guerre, un incident aurait dû davantage m’alerter. Début février 1973, au lendemain de la signature à Paris d’un accord américano-vietnamien censé mettre fin aux combats, je cherchais désespérément, comme bien d’autres journalistes, à passer de « l’autre côté », dans une « zone libérée », pour effectuer un reportage dans une région tenue par les Viêt Côngs. En compagnie du photographe Abbas, de feu Tiziano Terzani, alors correspondant du magazine Der Spiegel, et de notre interprète vietnamien Buu Chuong, j’avais sillonné un périmètre au nord-ouest de Sài Gòn à bord de notre Dalat, une 3  CV Citroën Mehari adaptée au climat tropical. Trois journées de randonnées à travers des paysages lunaires ou des plantations d’hévéas s’étaient soldées par un fiasco alors que d’autres journalistes avaient réussi leur coup et commençaient à publier leurs reportages.
    Peu après, en fin d’après-midi, quelqu’un frappe à la porte de ma chambre, au troisième et dernier étage du Continental. À ma grande surprise, car jamais il n’était monté me voir auparavant, Pham Xuân Ân attend derrière la porte. Je suis d’autant plus touché par son geste que, étant le benjamin d’une bande de collègues et amis, selon une tradition bien ancrée au Viêt Nam, il n’a pas à le faire. Je commande des boissons et, installés dans des fauteuils, nous devisons un moment. En me quittant, Pham Xuân Ân s’arrête sur le pas de ma porte. Il est au courant de mes déboires et me suggère, si je souhaite toujours découvrir une zone Viêt Công, d’aller sur la route de My Tho, ville riveraine du Mékong à une soixantaine de kilomètres au sud de Sài Gòn. Avant My Tho, il faut prendre la route qui conduit au bac de My Thuân sur le grand fleuve et, avant ce bac, s’arrêter dans un hameau répondant au nom de My Qui. « On dit que, là-bas, on peut passer…», se contente d’ajouter Pham Xuân Ân avant de s’en aller.
    Le lendemain matin, dès l’aube, notre petite équipe est en route. Au préalable, nous avons repéré My Qui sur une carte d’état-major. À la hauteur du hameau, sur la RN  4, se trouve la cahute d’un mécanicien qui accepte de garder notre voiture sans poser de questions. Tout se passe sans encombre. Nous franchissons une rizière à découvert, puis traversons un hameau sans adresser la parole aux “nhân dân tu ve”, les miliciens armés de Sài Gòn censés y être de faction. Une fois franchi ce hameau, un gamin nous fait signe de le suivre sur une digue étroite. À l’entrée du hameau suivant, perdu dans la végétation qui encadre des rizières inondées, une banderole souhaite la bienvenue à « la presse

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