Une histoire du Canada
croire qu’en bon libéral il eut tendance, parce qu’il retrouva chez les Canadiens français les institutions d’ancien régime qui fonctionnaient comme en France autrefois, à simplement reporter sur ces derniers le mépris qu’il éprouvait pour la France absolutiste et féodale45. »
Un autre chercheur qui a étudié cette période, s.J.r. noel, s’inscrira totalement en faux contre cette perception. selon lui, la compréhension qu’a durham du Canada, et du Bas-Canada en particulier, est « superficielle » et fondée sur « un manque d’information factuelle » strié d’un « épouvantable racisme ». en ce qui a trait à ses recommandations, elles sont « naïves »
et « ennuyeuses46 ». sans doute faut-il chercher la vérité entre ces deux opinions. durham adopte naturellement pour sa matière le point de vue d’un anglais libéral et progressiste, qui renferme sans doute une perception négative de la France et du despotisme français. Les opinions qu’il a des Canadiens français sont nettement moins sympathiques que celle de tocqueville quelques années auparavant, mais, en réalité, elles ne sont pas radicalement différentes. À l’encontre de tocqueville, durham occupe un poste qui lui permet de réagir à la situation ou, à tout le moins, d’obliger les législateurs à prendre ses critiques au sérieux.
il s’agit d’une ordonnance radicale et il n’y a pas grand-chose à faire pour y échapper. au Bas-Canada, il n’existe pas d’assemblée, tout juste un Conseil spécial formé de membres nommés. L’opinion canadienne-française est confuse et ses représentants sont démoralisés ; Papineau étant exilé en France, ses anciens lieutenants – ceux qui ne se sont pas trop compromis dans la rébellion – se disputent son héritage et son leadership. On trouve même une faction favorable à l’acceptation de l’ordonnance d’assimilation imposée par durham de manière à pouvoir continuer à vivre et atteindre la prospérité. Comprenant fort bien que sa propre province croulant sous les dettes se joindra à un Bas-Canada libre de dettes par comparaison, la Chambre d’assemblée du Haut-Canada vote avec enthousiasme en faveur de l’union.
il ne reste au gouvernement whig qu’à prendre les mesures nécessaires. il commence par nommer un nouveau gouverneur général, Charles Poulett thomson, un autre politicien whig ; celui-ci débarque à Québec en octobre 183947. Le gouvernement se tourne alors vers une 7•TransformaTionseTrelaTions,1815–1840
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solution qu’il souhaite durable : il promulgue l’acte d’Union de 1840, qui reprend la forme mais non l’esprit du rapport de durham. Le Haut et le Bas-Canada sont unifiés tout en continuant de bénéficier du même régime gouvernemental qu’auparavant : des conseils exécutifs et législatifs constitués de membres nommés, et une assemblée formée de quatre-vingts membres élus, quarante en provenance de l’ancien Haut-Canada et quarante de l’ancien Bas-Canada. Comme ses prédécesseurs de 1778 et de 1791, cet acte permet à la nouvelle « Province du Canada » de subsister à même ses propres ressources mais, contrairement à eux, stipule que la province doit d’abord payer les salaires d’une liste de fonctionnaires et de juges. La colonie demeure aussi soumise au pouvoir général que le gouvernement britannique exerce sur le commerce.
On peut à peine parler de nouveau départ. Cette solution est davantage la résultante de la peur que de l’espoir : elle assure une protection contre les dangers du passé et réserve au faible espoir qui reste un avenir extrêmement incertain.
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De colonies à provinces
La merveille du siècle : le pont victoria sur le fleuve saint-Laurent à Montréal, célébré en musique, 1860.
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LesannéesquisuivenT la rébellion sont témoin d’une forme différente de révolution. L’amérique du nord britannique ne rejette ni le joug britannique ni sa constitution monarchique. Bien au contraire – dans les années 1860, les colonies sont plus que jamais liées à la mère patrie par la volonté de leurs habitants, exprimée dans le cadre d’un système gouvernemental qui a pour caractéristique déterminante le développement de l’autonomie. L’ancien empire britannique, conçu traditionnellement comme une métropole entourée de dépendances économiques et politiques, n’aurait jamais toléré une telle
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