Une histoire du Canada
la fourrure et y parviennent. Les commerçants de la Baie constatent le tarissement de leurs sources d’approvisionnement et la baisse de leurs profits, mais cela ne suffit pas à les inciter à explorer eux-mêmes l’intérieur des terres.
L’effectif des postes intérieurs français est maigre et les garnisons dispersées. en plus de leur fonction économique et de leur valeur 4•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(1) 65
symbolique résiduelle, ces postes servent aussi de haltes le long d’une voie de communications intérieure qui relie Québec à La nouvelle-Orléans – un fil ténu qui relie entre elles les parties de l’empire français.
L’entreprise de traite des fourrures ne repose pas principalement sur des marchands installés en permanence mais bien sur des brigades annuelles des fourrures partant chaque année de Montréal vers l’intérieur des terres. nés à l’intérieur de la colonie, les hommes qui les composent sont de plus en plus connus sous le nom de « Canadiens » pour les distinguer de leurs cousins français de plus en plus distants. ils doivent être relativement jeunes, en bonne santé et vigoureux pour résister aux rigueurs du voyage et être en outre aventuriers et souples car ils doivent vivre dans des sociétés dont les coutumes et les attentes sont très différentes de celles de la France, et même de la nouvelle-France. Bien sûr, ils proviennent pour la plupart d’exploitations agricoles et la majorité finira par y retourner. entre-temps, une fois passé Michilimackinac, ils connaîtront la vie sans gouverneur, sans prêtres ni officiers militaires.
seuls les marchands qui se rendent à detroit ou Michilimackinac peuvent espérer revoir les leurs au cours de la même année. Les autres, la plupart des marchands de fourrures, partent pour deux ou trois ans sans espoir sérieux de recevoir des nouvelles de chez eux. ils acceptent la société telle qu’ils la trouvent, vivant dans des villages amérindiens, mangeant comme les amérindiens et trouvant consolation auprès des amérindiennes.
Les unions de ce genre ne reposent pas toujours sur le désir ou le besoin physique, mais offrent des avantages pour les deux parties ; pour les Français, elles constituent un moyen d’entrer dans la société autochtone et de tisser des liens indispensables avec les systèmes politiques autochtones10.
Certains créent des liens solides et restent avec leur épouse et leurs enfants métissés, qu’on appelle généralement des sang-mêlé ou des Métis. À un certain moment au début du dix-huitième siècle, un témoin appelle les Français de l’intérieur des terres et leurs voisins, alliés et hôtes amérindiens,
« un peuple », et cette observation peut certainement se justifier du fait que de très nombreux Français s’adaptent aux coutumes indiennes11.
souvent, les Métis deviennent eux-mêmes des marchands, symboles de ce que l’historien richard White appellera le Middle Ground (moyen terme, terrain d’entente) entre les colonies européennes installées sur la côte et les sociétés autochtones de l’Ouest. au dix-huitième siècle, ce Middle Ground ne cesse de s’étendre – une nouvelle société qui n’est ni purement européenne ni purement amérindienne, reflet des pressions et exigences antagonistes des deux camps. Le Middle Ground ne sera toutefois pas déterminant dans la question de savoir quel empire prévaudra dans le conflit autour de l’amérique du nord.
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UnE HIsTOIRE dU Canada
La stratégie française d’alliance avec les amérindiens est tout autant le fruit de la nécessité qu’un refus éclairé de soumettre la population autochtone de la nouvelle-France. L’ensemble de la population ne suffit pas à soutenir la colonisation de l’intérieur des terres. Les Français sont arrivés au dix-septième siècle sur les territoires largement inoccupés du saint-Laurent et y sont demeurés, puisqu’ils disposaient de plus de terres que nécessaire pour les immigrants et leurs descendants jusqu’à la fin du dix-huitième siècle. souvent, les Français soulignent à l’intention de leurs alliés et clients amérindiens le contraste entre les incursions françaises bénignes, caractérisées par des cadeaux et des mesures de protection, et la colonisation britannique, qui a eu pour effet de déplacer des amérindiens et d’engloutir les terres le long de la frontière.
Les vrais établissements français à
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