Une histoire du Canada
redoutent bien sûr la violence et les massacres, mais aussi la captivité. Pendant les guerres entre les années 1689 et 1760, environ seize cents colons de nouvelle-angleterre sont capturés au cours de raids amérindiens et deviennent, pour reprendre les termes employés par un ministre bostonnais, « des prisonniers qui se demandent constamment à quel moment ils vont être brûlés vifs, par plaisir et pour faire un repas, par les plus exécrables de tous les cannibales. des prisonniers qui doivent subir le gel et le froid les plus vifs avec des haillons qui ne suffisent pas à couvrir leur nudité. des prisonniers auxquels on permet rarement d’avaler un morceau de viande qu’un chien hésiterait à toucher ; des prisonniers qui doivent supporter la vue du massacre des êtres les plus proches, en craignant de verser une seule larme2. »
il arrive que les anglais soient massacrés ou tués après avoir été torturés. Les séances de torture sont particulièrement horribles, des scènes que, dans l’europe du dix-huitième siècle, on ne voit que derrière les murailles des forteresses ou des prisons. il y a aussi le cannibalisme, qui suscite la plus grande horreur et aversion en europe. Beaucoup de prisonniers, la plupart sans doute, sont traités avec plus d’égards, ramenés dans les campements amérindiens et adoptés par des familles amérindiennes3. Beaucoup sont par la suite échangés contre rançon, mais beaucoup aussi demeurent avec leurs ravisseurs et sont immergés dans la culture et la société dont ils sont captifs.
en dépit d’une clause du traité de paix qui finira par être signé garantissant le retour des prisonniers, certains ne reviendront jamais.
si les colonies de la nouvelle-angleterre n’ont pas les moyens de répliquer aux attaques des amérindiens ou de leurs commanditaires, les Français du lointain Québec, elles ont les moyens de harceler la colonie française la plus proche et la plus accessible, l’acadie. des raids maritimes sèment le désarroi dans certains établissements périphériques français en 1704, sans toutefois atteindre la minuscule capitale de Port royal. deux autres incursions contre Port royal en 1707 n’ont aucun effet. des projets 4•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(1) 61
d’invasion de la nouvelle-France par voie terrestre suscitent un certain intérêt dans les colonies, mais le gouvernement de Londres finit par y opposer son veto.
Finalement, en 1710, les colons font valoir leur point de vue. Bénéficiant de renforts en navires et en hommes fournis par le gouvernement anglais, ils se présentent devant Port royal en septembre, assiègent l’établissement pendant une semaine et reçoivent la reddition de sa garnison, dont les membres sont dix fois moins nombreux. Une tentative menée de front par les acadiens et les amérindiens pour reprendre le fort en 1711 échoue4.
en europe, la guerre tourne mal pour les Français. Louis Xiv cherche à signer un traité de paix tout en refusant les conditions qu’on lui propose. Le gouvernement britannique décide alors d’attaquer les Français outre-mer et, en 1711, lance une expédition maritime aussi grande que coûteuse en vue de s’emparer de Québec. soixante-quatre navires transportant cinq mille soldats – c’est plus que la population de Québec –
quittent les ports britanniques. Confrontée à de mauvaises conditions atmosphériques dans le Bas-saint-Laurent, en plus d’être mal équipée en cartes et en navigateurs d’expérience, la flotte britannique fait demi-tour, huit navires ayant fait naufrage5.
en Grande-Bretagne, l’équilibre politique bascule. Les Whigs, partisans de la guerre, perdent le soutien de la reine, puis le pouvoir, et leurs successeurs tories souhaitent faire la paix le plus tôt possible. il faut encore attendre quelques années, mais, finalement, en 1713, est signé un traité de paix à Utrecht, en Hollande.
Le traité d’Utrecht offre à la France de meilleures conditions de paix que Louis Xiv ne l’aurait cru. Financièrement à bout, le gouvernement français avait vraiment besoin de cette paix, besoin qui se reflète dans certaines conditions du traité. en ce qui a trait à l’amérique, les Français doivent abandonner les postes de la baie d’Hudson, « toute la nouvelle-
écosse ou l’acadie » et terre-neuve. ils parviennent à conserver les îles du golfe du saint-Laurent, dont les deux plus grandes, l’île saint-Jean
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