Une histoire du Canada
– d’abord les Cinq-nations, puis les six-nations à partir des années 1720 – s’occupent de leur propres intérêts : ils acceptent les cadeaux des Britanniques et des Français tout en refusant d’intervenir au profit d’un des deux camps. dans les années 1720 et 1730, les iroquois, leurs tributaires et leurs alliés exercent leur domination sur le pays de l’Ohio. Les nations de la région de l’Ohio et au-delà contribuent au pouvoir iroquois, gonflant jusqu’à plus de dix mille le nombre de guerriers sur lesquels les iroquois peuvent compter (les iroquois eux-mêmes ne sont guère plus de onze cents)16.
L’emprise iroquoise sur l’intérieur des terres se relâche cependant, juste au moment où la pression exercée par le désir d’expansion monte en Pennsylvanie et en virginie. Les iroquois font aux colons ce qu’ils considèrent comme des concessions nominales mais cèdent, ou semblent céder, en réalité, beaucoup plus qu’ils ne le pensent, le droit d’occuper toute la vallée de l’Ohio.
Les colons et spéculateurs fonciers britanniques suivent les marchands britanniques au-delà des appalaches, au grand désarroi des habitants de ces régions, qui ne bénéficient plus de la protection des iroquois. Les colons ne cachent pas leur volonté de voir les amérindiens quitter les terres qu’ils revendiquent. Pour les Français, ces prétentions des colons, combinées à leur attitude envers les amérindiens, représentent une bénédiction sur le plan politique. Les Français affirment aux amérindiens que ce sont les Britanniques qui veulent les déposséder de leurs terres et les en chasser tandis qu’eux-mêmes ne présentent pas ce genre de menace. de leur côté, les Britanniques soutiennent que les Français font obstacle à la concurrence et à la liberté d’échange.
Le fragile empire iroquois ne peut résister à la contradiction entre les intérêts britanniques et français et ceux de ses sujets. au cours des années 1740, la domination iroquoise s’effrite avant de s’effondrer. Les Français se 4•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(1) 73
mettent à intervenir plus vigoureusement dans les affaires autochtones, en exposant tout d’abord leurs revendications territoriales. Puis, en 1753, l’un des « gouverneurs sauvages » de Québec envoie une armée, la plus puissante jamais levée en nouvelle-France jusqu’alors.
trois cents soldats de métier (les troupes de la marine), dix-sept cents membres des milices canadiennes et deux cents amérindiens quittent Montréal pour le pays de l’Ohio. si, à l’échelle européenne, ces chiffres n’ont rien d’impressionnant, pour une colonie dont la population totale s’élève à cinquante-cinq mille âmes, il s’agit d’un effort considérable. Ces hommes sont chargés de construire un chemin sur la brève distance qui sépare le lac érié du cours supérieur de la rivière Ohio et de bâtir des forts le long de cet itinéraire. Le but est de tenir les Britanniques, marchands comme colons, à l’écart et ainsi de renforcer les alliances françaises avec les nations amérindiennes de l’intérieur des terres.
L’expédition est, dans un sens, une réussite. Les soldats construisent le chemin et des forts et renforcent le prestige de la France dans la région.
d’autre part, au moment où l’expédition atteint le portage entre le lac érié et l’Ohio, il ne reste que huit cents soldats en mesure d’accomplir le travail ; au bout du compte, quatre cents des deux mille hommes mourront de maladie, une perte énorme pour une petite colonie17. Parmi les survivants flotte un parfum d’amertume car tout le monde sait que les pouvoirs de Québec, l’intendant François Bigot au premier chef, ont tiré grand profit de la situation en trompant le roi et ses soldats. À mesure que l’armée grossit ses rangs au Québec, grâce à des renforts réguliers venus d’europe, les occasions de profit se multiplient pour l’intendant et ses associés, qui conservent et revendent les fournitures destinées à l’armée. Certes, les soldats renforcent les défenses de la colonie, mais c’est la géographie locale – les distances, les immenses régions sans le moindre chemin, et la maladie – qui demeure le principal dispositif de défense pour la nouvelle-France.
LA GUERRE DE SEpT AnS
Les gouverneurs sauvages ont ouvert la voie au déclenchement des hostilités le long de leurs frontières fortifiées en
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