Une histoire du Canada
colons et commerçants des colonies existantes à l’est. La proclamation constitue aussi la « province du Québec », dans un rectangle recouvrant essentiellement la vallée du saint-Laurent. À l’encontre des colonies du sud ou de la nouvelle-écosse, Québec sera une province : elle n’aura temporairement pas d’assemblée.
elle sera plutôt placée sous la direction d’un gouverneur et d’un conseil nommé.
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La caractéristique la plus remarquable de cette proclamation est sa futilité. au moment de sa publication, des milliers de colons franchissent déjà les appalaches. des milliers d’autres arriveront dans les années qui suivront jusqu’à ce que, en 1768, le gouvernement britannique le concède et conclue avec les iroquois, suzerains nominaux des tribus de l’intérieur des terres, un traité qui prévoit la cession de terres de la vallée de l’Ohio appartenant à d’autres nations amérindiennes.
Cette proclamation ne représente qu’une des facettes de la politique coloniale britannique. Ce sont les recettes qui retiennent principalement l’attention du gouvernement. en quête d’argent, le gouvernement finit par trouver autre chose : la rébellion coloniale contre les taxes impériales imposées par un Parlement qui ne représente pas les colons.
Le rôle joué par la province du Québec dans la dérive vers la guerre et la révolution est minime. dès le départ, les autorités britanniques sont conscientes du fait que le Québec pose problème en raison de son catholicisme, du français et de sa loyauté nouvelle envers la couronne française. Pour résoudre ces problèmes, les gouverneurs locaux, James Murray et Guy Carleton, réclament des accommodements. ils n’ont guère le choix, disposant de trop peu de soldats à mettre en garnison dans une grande province et de trop peu de fonds pour maintenir une administration dominante. Le gouvernement du Québec doit compter sur le consentement, tacite ou déclaré, de ses administrés et la meilleure façon de l’obtenir consiste à employer ce qui reste des agents et officiers de l’ancien régime français.
L’église catholique représente un élément important de la gestion publique. au début des années 1760, cependant, elle n’a plus de dirigeant au Québec à la suite du décès de l’évêque précédent en 1760. sans évêque, impossible de consacrer des prêtres et sans prêtres, les paroisses, unités sociales et politiques fondamentales dans les campagnes, finiront par perdre leurs pasteurs. Le problème est que les dirigeants britanniques, tous protestants, voient dans le catholicisme l’ennemi de la liberté, surtout la liberté protestante, et le rempart de la tyrannie. L’urgence dicte un compromis provisoire avec le catholicisme : la pratique de la religion catholique sera tolérée mais à long terme, une telle politique est des moins souhaitables voire carrément subversive. Le triomphe des soldats britanniques, soutenu par la prospérité britannique (et coloniale) au cours de la dernière guerre, est certes preuve de la supériorité de la liberté protestante.
en dépit de ces sentiments anti-catholiques, les résidants catholiques des territoires britanniques, même ceux des îles Britanniques, ne se voient pas persécuter en raison de leur foi et l’on ferme les yeux sur les activités des prêtres catholiques, pour autant que ces derniers demeurent discrets.
Ce sont les protestants qui ont la mainmise sur le pouvoir politique même 90
UnE HIsTOIRE dU Canada
lorsque, comme en irlande, ils ne représentent qu’une infime partie de la population. Les catholiques se soumettent sur le plan politique ; en revanche, les protestants ignorent la question insignifiante de leur pratique religieuse.
tout naturellement, cet oubli officiel s’étend aux colonies indépendamment du fait que de nombreux colons croient fermement que le catholicisme fait obstacle au bien-être de leur pays.
C’est principalement pour des motifs religieux que le gouvernement britannique hésite sur le mode de gestion publique du Québec. Même une colonie comme le Maryland (dont le seigneur propriétaire est catholique) a retiré le droit de vote aux catholiques en 1718. avec une population de soixante-dix mille âmes qui augmente pendant les années 1760, le Québec a plus de poids que la Georgie, le delaware et la nouvelle-écosse et mérite certainement autant que ces
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