Une histoire du Canada
britannique font l’objet d’admiration, d’envie et, de plus en plus, d’imitation en europe et, bien entendu, en europe outre-mer1.
La grande question à laquelle sont confrontés les nouveaux maîtres de Québec est de savoir comment perpétuer la rupture avec la France, mais il ne s’agit là que d’un enjeu parmi tant d’autres pour les pouvoirs impériaux de Londres. Comment gérer un empire qui a plus que doublé en superficie 85
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UnE HIsTOIRE dU Canada
sur le seul continent nord-américain ? Comment rembourser le prix des guerres qui viennent juste de prendre fin ? Comment payer l’administration d’un empire à l’avenir ? Ce sont là quelques questions auxquelles sont confrontés George iii et ses ministres en 1763. encore plus insoluble que celle des finances (et son cauchemar connexe, l’imposition), il y a une question culturelle : comment absorber un grand nombre de catholiques dans un royaume et un empire qui sont, de par la loi, protestants ?
Le gouvernement britannique s’efforce d’agir d’une manière responsable mais, ce faisant, il réveille les dragons de l’imposition et de la religion. il s’efforce de solidifier l’empire mais, par ses actions, ne fait que miner ses fondations et perd la plupart de ses colonies américaines dans l’aventure. si les cinquante années qui ont précédé 1763 contenaient la garantie que le Canada serait britannique, les cinquante années qui suivent renferment celle qu’il ne sera pas, simultanément, américain.
LA RESpOnSABiLiTé D’Un EmpiRE, 1763–1774
en 1763, le nord de l’amérique du nord compte une population de quelque 300 000 personnes – 200 000 autochtones et 100 000 Blancs, européens ou descendants d’européens. il est divisé en deux colonies avec une seule zone de pêche, terre-neuve, et un seul domaine commercial, les territoires de la Compagnie de la baie d’Hudson. Les colonies en sont le Québec et la nouvelle-écosse. Grâce à la défaite française, la nouvelle-
écosse s’est étendue à toute l’ancienne acadie, y compris le Cap-Breton, l’isle saint-Jean et ce qui deviendra plus tard le nouveau-Brunswick. La colonie est gouvernée depuis Halifax, lieu de résidence du gouverneur et de rencontre périodique de l’assemblée élue. Par sa structure gouvernementale, ses lois (la common law anglaise) et sa langue (l’anglais), elle ressemble aux autres colonies britanniques plus au sud. Le problème de sa population clairsemée, en partie à cause de la déportation des acadiens en 1755, trouve sa solution dans une immigration soutenue d’habitants de la nouvelle-angleterre et l’arrivée de navires entiers d’immigrants venus d’écosse et d’autres parties de l’europe, notamment d’allemagne. ils viennent se joindre à ce qui reste de la population acadienne, à la fois ceux qui ont échappé à la déportation et ceux qui sont revenus dans la région après la guerre. La nouvelle-écosse est moins une colonie continue – les voies de communication terrestres sont éreintantes et une grande partie de la province est une région reculée battue par les vents – qu’une série de poches côtières habitées par des européens et imposées à un territoire intérieur en friche, toujours occupé par les nations amérindiennes locales, surtout les Mi’kmaq et les Malécites.
5•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(2) 87
de toutes les parties de l’amérique du nord, c’est la pêcherie de terre-neuve que les européens connaissent le mieux depuis des générations. elle attire chaque année sur les Grands Bancs des essaims de bateaux de pêche venus d’europe occidentale pour pêcher la morue, une ressource qui semble inépuisable. Français comme Britanniques ont tenté d’y créer un établissement ; grâce aux guerres impériales, seuls les Britanniques jouissent du droit d’y demeurer, quoique les Français aient un droit de résidence temporaire sur la côte nord pour y faire sécher et saler leurs prises. Les intérêts britanniques en matière de pêche s’opposent à la dilution de leur pêcherie par une population locale qui pourrait rapidement développer ses propres intérêts et diviser la récolte. C’est pourquoi on décourage officiellement la colonisation mais il n’est guère facile d’empêcher une poignée d’intrépides de prendre racine dans l’île. en ce qui a trait à la valeur de la pêcherie, elle est indubitable : en 1768, sa valeur est
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