Une histoire du Canada
les colonies, que ces dernières échangeront contre leurs matières premières. Le poisson de la nouvelle-
écosse et de terre-neuve servira à alimenter les colonies d’esclaves britanniques dans les antilles, tandis que le blé du Québec ou le bois du nouveau-Brunswick serviront à combler les besoins des Britanniques. On suppose que les colonies sont politiquement stables et, si ce n’est pas le cas, il incombe au gouvernement de veiller à rétablir la situation.
Les Loyalistes représentent donc un élément d’une équation politique plus vaste. ils ressentent une amère déception face à l’issue de la révolution, dont ils rejettent la responsabilité, à parts approximativement égales, sur leurs anciens voisins, les rebelles, et sur des généraux britanniques incompétents. Loyaux, ils sont aussi sceptiques : loin de se passionner pour la moindre mesure prise par le gouvernement britannique, ils s’attendent à ce que ce dernier fasse amende honorable.
Quelque quarante mille Loyalistes débarquent sur les côtes canadiennes. Beaucoup ont défendu le roi pendant la révolution et se retrouvent au Canada avec leurs unités une fois la guerre terminée. ils se retrouvent aussi, pour la plupart, dépourvus de biens, que les rebelles leur ont confisqués chez eux. il faut tout d’abord les loger et les nourrir ; un jour, il faudra les indemniser pour ce qu’ils ont laissé derrière eux.
Les gens ordinaires parmi les Loyalistes reçoivent des concessions de deux cents acres (un peu plus de quatre-vingts hectares). Quant aux officiers, selon leur rang, ils peuvent recevoir jusqu’à cinq mille acres (deux cents hectares). Comme il faudra du temps et des efforts pour rendre ces concessions habitables et rentables, le gouvernement leur fournit des outils, le logement et de la nourriture. des villes naissent là où il n’y avait qu’un
« véritable désert », pour reprendre les termes d’un de ces Loyalistes. en une seule année, 1783, quinze cents habitations sont construites dans la nouvelle ville de saint-Jean, au nouveau-Brunswick. d’autres sont construites à shelburne, de l’autre côté de la baie de Fundy.
en fait, saint-Jean est bien située, avec un bon port et une vallée fertile le long de la rivière qui pénètre dans les terres. Ce n’est pas le cas de shelburne, si bien qu’au bout du compte, les Loyalistes quittent ce lieu, certains pour se rendre ailleurs en nouvelle-écosse, d’autres pour retourner 6•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(3) 109
aux états-Unis, d’autres encore pour entreprendre le long voyage jusqu’au Haut-Canada.
strictement parlant, ni le nouveau-Brunswick ni le Haut-Canada n’existent encore en 1783. Le gouvernement les crée en 1784 et 1791 respectivement, en grande partie pour répondre aux revendications loyalistes d’un pouvoir local responsable avec des institutions familières et compatibles. il semble que la loyauté ne soit pas inconditionnelle : les Loyalistes sont des Américains loyaux qui se démarquent de leurs cousins américains par certains aspects de la politique ou, plus exactement, de la politique telle qu’on la définira plus tard. sur d’autres points, par exemple des assemblées élues et représentatives, il n’existe aucun désaccord entre les deux camps.
À la fin du dix-huitième, siècle, en Grande-Bretagne comme en amérique du nord, la politique ne se différencie guère des différends entre factions et les partis politiques sont un concept très flou. L’intérêt national, personnifié par le monarque ou, dans les états-Unis tout récemment créés, par le président, a préséance sur la politique. sur ce plan, les gouverneurs britanniques du Québec et de la nouvelle-écosse ne sont guère différents de George Washington. Comme toujours, le problème consiste à découvrir l’intérêt national et à amener les divers personnages politiques à s’entendre sur ce point.
de l’autre côté de la frontière, c’est George Washington, un général, qui devient président en vertu de la nouvelle constitution américaine, qui vient tout juste d’être adoptée. au Canada, sir Guy Carleton, général lui aussi, devient pour la deuxième fois gouverneur du Québec en 1786, remplaçant à ce poste Frederick Haldimand, un autre général. déjà, le frère cadet de Carleton, le colonel thomas Carleton, préside aux destinées du nouveau-Brunswick.
LE GOUVERnEmEnT, LE TERRiTOiRE
ET LA qUESTiOn
Weitere Kostenlose Bücher