Une histoire du Canada
AméRinDiEnnE
dans les années 1780, il est relativement simple de gouverner. il y a une administration centrale, des gouverneurs, des conseillers et des employés. il y a aussi des tribunaux, qui appliquent le droit criminel anglais et, sauf au Québec, la common law anglaise également. il y a les militaires, l’armée, la marine et une milice, dans lesquelles on s’attend à ce que servent tous les hommes bons pour le service qui ont entre seize et soixante ans. il y a des percepteurs, qui recueillent les droits et autres frais. il y a un bureau de poste et un ministère des amérindiens.
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UnE HIsTOIRE dU Canada
Les tribunaux ne constituent pas des organismes autonomes mais font plutôt partie du gouvernement : souvent, les juges sont aussi conseillers et ils entretiennent des relations étroites avec les divers gouverneurs et leurs politiques. Les gouverneurs contrôlent les charges publiques, avec leurs salaires et compensations très prisés (ceux qui exercent ces fonctions siègent au conseil exécutif), et ils distribuent les terres. en Grande-Bretagne, tout comme dans les colonies, les terres constituent le fondement de la richesse. Les aristocrates et les membres de la petite noblesse aux îles Britanniques héritent de grands domaines, les accumulent et les exploitent, chassant souvent leurs habitants, dont on peut alors se servir pour peupler les lointaines colonies.
il est fréquent de voir les amis du gouvernement récompensés par des milliers d’hectares de terre. On peut citer le cas du colonel thomas talbot, un gentilhomme anglo-irlandais, secrétaire du lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, qui reçoit une concession de cinq mille acres (un peu plus de mille hectares). talbot ne tarde pas à quitter la province pour poursuivre sa carrière militaire mais, au cours d’une brève trêve dans les guerres avec la France en 1803, il revient dans le Haut-Canada et signe un accord avec le gouvernement. il devient agent foncier et spéculateur. talbot est chargé d’établir les immigrants sur des lots de cinquante ou cent acres (quarante hectares) et reçoit en échange 150 acres à chaque fois. On met de côté une étendue de terres au nord du lac érié pour son exploitation. Le marché est inéquitable mais la stratégie fonctionne : les colons de talbot finissent par défricher vingt-sept cantons entre la rivière detroit et Long Point.
Le colonel gère son domaine (sa « principauté », comme il l’appelle) de manière excentrique mais non injuste. il fait bénéficier ses colons de sa supervision personnelle, qui n’est pas toujours appréciée car talbot insiste pour que ses colons défrichent et exploitent immédiatement dix acres (quatre hectares) de terre et défrichent la largeur du chemin en bordure de leur concession. Ce n’est qu’à cette condition que leur bail est assuré, mais s’ils ne s’y conforment pas, ils se retrouvent sommairement dépossédés. À
la fin des années 1820, talbot est parvenu à faire construire un chemin de près de cinq cents kilomètres de long entre l’extrémité du lac Ontario et la frontière à detroit3. Quand le gouvernement a besoin de son aide, pendant la guerre de 1812 ou la rébellion du Haut-Canada en 1837, il la reçoit. en dépit de son ascendance dans la petite noblesse, de son rang dans l’armée et de ses relations, talbot adopte sensiblement le même mode de vie que les colons qui l’entourent. il se tient dans une ouverture découpée dans le mur latéral d’une cabane en rondins, distribuant les terres et les faveurs ou répliquant à ceux qui le contrarient. À l’encontre d’autres spéculateurs, talbot investit son propre argent dans l’aménagement de ses terres, si bien qu’au terme de sa longue existence – il meurt en 1853 – son sort ne s’est 6•lesguerrespourlaconquêTedel’amérique(3) 111
sans doute guère amélioré depuis son arrivée dans le Haut-Canada. il concède ses terres à n’importe qui, des gens de religions différentes, avec des idées différents sur la meilleure manière d’organiser la société. talbot n’est pas un aristocrate féodal installé dans les forêts canadiennes et il n’a pas non plus l’intention de fonder une dynastie dans un trou perdu. ses habitudes sont celles d’un officier britannique non réformé, affichant son indifférence envers les questions religieuses, gros buveur et paillard dans ses conversations, ce qui horrifiera, plus tard, son biographe
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