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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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don avec les animaux. »
    Elle émit un baiser dans le vide et le canari lui bécota les
lèvres.
    « Je te présente Pip, dit-elle. C’est le canari dans Les
Quatre Filles du docteur March. Tu l’as lu ?
    — Non.
    — Enfin ! Une faille dans ton éducation, se
félicita-t-elle, avant de lui reprendre la main. Passons à l’étage. »
    Dans le couloir étaient accrochées deux photographies
d’Albert en train de rire, avec des chiens – un boxer trapu qu’il tenait
contre sa joue sur la première, un chien de chasse entre ses jambes sur la
seconde. Et pourtant, Ruth assura bizarrement à Judd, au passage :
    « Albert déteste les bêtes. »
    À l’extrémité sud, la salle de bains paraissait avoir été
briquée avec du savon au borax 20 Mule Team, la marque qu’utilisait
Isabel. En face, la chambre de Lorraine ressemblait tellement à celle de Jane
que Judd eut un pincement au cœur. Mais Ruth le tira jusqu’à la chambre de
Josephine, au-dessus de l’entrée, garnie de meubles de famille blancs du XIX e  siècle
et d’un fauteuil en velours rose. Et pour finir, elle ouvrit la porte de la
chambre conjugale, au nord.
    « Et c’est ici que tu dormiras, plaisanta-t-elle, avec
un grand sourire.
    — Je ne suis pas sûr de beaucoup aimer les lits
jumeaux.
    — Ça peut s’arranger. En l’occurrence, ce fossé est
exactement ce qu’il nous faut. »
    Au mur, entre les deux lits était suspendu un cadre ovale en
acajou décoré d’un ruban sculpté et renfermant le portrait en studio d’une
jeune fille à la chevelure de jais qui semblait être Jessie Guischard.
    « C’est une blague ! s’exclama Judd.
    — Albert prétend que ce n’est pas elle, que c’est juste
une photographie qu’il aime bien. Mais il ne la quitte pas des yeux en me besognant. »
    Judd secoua la tête.
    « Quel fieffé gougnafier !
    — “Gougnafier” ? Tu sors d’un roman de Dickens, ou
quoi ? »
    Josephine les appela :
    « Le déjeuner est prêt !
    — Tu rentres faire dodo ? » suggéra Ruth au
canari, et Pip s’envola pour regagner sa cage au rez-de-chaussée.
    « C’est un vrai bonheur, rien que d’être avec
toi », murmura Judd.
    Ruth en profita pour l’embrasser fugacement et, tandis
qu’ils redescendaient, Judd flatta de la main les hanches sensuelles de sa
belle.
    À table, Mrs Brown servit les galettes de crabe, la
salade de chou cru et les pommes de terre sautées préparées par Ruth, ainsi que
le sauvignon blanc, que Judd fut le seul à boire et qu’en fin de compte, il
termina. Josephine ne s’en offusqua pas et Ruth l’y incita.
    Judd avait en général du succès auprès des femmes d’un
certain âge et Josephine qui, elle aussi, paraissait avoir un faible pour lui,
releva ses bonnes manières, son affabilité cajoleuse, sa belle mine et son
élégance vestimentaire. Bien plus tard, elle affirmerait qu’elle avait su
d’emblée que Judd n’était pas un garçon convenable, qu’il lui était
« apparu comme un beau parleur », mais cette après-midi-là, elle
avait goûté l’attention totale que lui accordait Judd quand elle parlait, la
façon dont il lui effleurait la main quand il la taquinait et sa faculté à la
faire rire avec des anecdotes cocasses sur la vente de lingerie dans des petits
patelins ou sur ses rencontres avec Romney Brent, Sterling Holloway, Libby
Holman et autres dans les coulisses du Garrick Theatre.
    Lorsqu’il se retira dans la salle de musique pour fumer,
Josephine vint s’asseoir à côté de lui sur le canapé en coquetant et Ruth, qui
débarrassait dans la salle à manger, pria Judd de raconter à sa mère une blague
sur les Suédois. Judd était déjà éméché et il fut contraint de réfléchir, mais
il finit par trouver :
    « Un immigrant suédois – sans aucun lien avec
vous – se fait embaucher pour peindre les bandes blanches au milieu d’une
route. Le contremaître lui apporte un pot de peinture, il le pose par terre, il
tend un pinceau au Suédois et il lui dit de se mettre au boulot. Et le premier
soir, le contremaître a la satisfaction de constater que le zélé Suédois a
couvert plus d’un kilomètre et demi ! Malheureusement, le lendemain, il
découvre avec déception que sa nouvelle recrue n’a avancé que d’une centaine de
mètres quand le troisième jour, il est fou de rage : le Suédois n’a
progressé que d’une dizaine de mètres. Cette après-midi-là, il lui tombe donc
sur le poil et il lui

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