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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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demande ce qui ne va pas, bon sang de bois. Le Suédois se
redresse, hors d’haleine, et il tend son pinceau en arrière, vers l’horizon.
“C’est que, le pot à peinture, il est de plus en plus loin.” »
    Josephine éclata de rire et se claqua les cuisses.
    « Ah, celle-là, elle est un peu bonne ! »
    Elle s’aperçut que le verre à vin de Judd était vide et
l’emporta à la cuisine. Judd se sentit délaissé. Mais Josephine revint avec un
verre de scotch à son intention.
    « Je dois avouer que, dans un premier temps, j’étais
méfiante, mais vous êtes absolument charmant, Mr Gray. C’est tellement
agréable de jouir de la compagnie d’un gentleman et non d’un… »
    Elle laissa sa phrase en suspens, le temps de jeter un coup
d’œil en direction de la salle à manger pour s’assurer que sa fille n’était pas
à portée de voix.
    « May est très malheureuse et Albert s’en moque,
exposa-t-elle. Ce n’est pas sain.
    — Ce qui me rappelle… reprit Judd. Savez-vous comment
on fait pour sauver un Allemand qui se noie ? »
    Un sourire plissa le visage de Josephine et elle
répondit : « Non.
    — Parfait ! » répondit Judd.
    Ruth entendit et trouva la plaisanterie hilarante.
    Puis la porte d’entrée s’ouvrit et Lorraine rentra de
l’école. Lorsqu’elle vit Judd, l’affectueuse petite de huit ans eut un grand
sourire et se précipita dans ses bras sans même quitter son manteau gelé.
    « Mr Gray ! s’écria-t-elle, avant de
l’embrasser sur la bouche comme elle avait vu sa mère le faire. Vous voulez
bien rester pour jouer avec moi ?
    — Un petit moment seulement, ma chérie. »
    Et, par-dessus l’adorable chevelure blonde de l’enfant
coupée à la Jeanne d’Arc, il regarda Ruth, qui se réjouissait de la
bienheureuse famille qu’ils formaient et de l’avenir grandiose qui se profilait
pour eux.
     
    Le samedi suivant, en février, Albert tira une échelle de cinq
mètres jusqu’au bord du trottoir et l’appuya à l’orme gigantesque qui dépassait
la maison en âge comme en hauteur. Il cala les pieds de l’échelle dans le gazon
gelé, puis gravit les barreaux avec une scie égoïne afin d’élaguer les branches
mortes dénudées qui menaçaient de se détacher et de tomber sur sa voiture
chaque fois que le vent les agitait. Comme il changeait de position, aux prises
avec les dents de la scie grippée dans le grain du bois, il sentit l’échelle
vaciller, puis se dérober sous ses pieds, et dut se rattraper à une branche, de
sorte qu’il se retrouva suspendu à six mètres du sol. Il baissa les yeux et
considéra juste au-dessous de lui Ruth qui l’observait avec fascination, un sac
de courses dans les bras.
    « Ne reste pas plantée là ! Aide-moi ! »
    Elle posa ses emplettes sur le trottoir gelé et redressa
l’échelle avec morosité.
    « Une chance que j’aie été là », lâcha-t-elle.
    Le personnel du Waldorf-Astoria ne tarda pas à reconnaître
Mrs Gray et à lui remettre le « balluchon de noces » en dépôt,
ainsi que les clés de leur chambre habituelle, la 832, quand Judd n’était pas
encore là pour signer le registre. La première fois où le concierge lui annonça
que Mrs Gray l’attendait en haut, Judd eut un sursaut d’effroi à l’idée
que son épouse ou sa mère eût percé à jour son infidélité. Mais
« Mrs Gray » se prélassait nue, dans toute sa splendeur, sur le
lit, telle une affriolante concubine dans un harem turc, et toutes les pensées
de Judd concernant sa femme ou sa mère s’envolèrent instantanément.
    Le trente et unième anniversaire de Ruth, le 27 mars
1926, tombait un samedi et elle avait, circonstance par trop rare, négocié avec
son raseur de mari l’organisation d’une fête chez eux, à laquelle elle ne
pouvait, bien sûr, pas inviter Judd ; elle le retrouva donc la veille au
Henry’s. Lorraine n’ayant pas école et Josephine Brown s’occupant d’un malade à
Brooklyn, la fillette accompagna sa mère et, bien qu’il eût réservé une chambre
au Waldorf, Judd masqua sa déception derrière l’humour et les effusions amicales.
Lorraine mangea un sandwich au fromage fondu et les amants commandèrent du
homard à la Newburg sur des pointes de toasts, puis Judd offrit à Ruth pour son
anniversaire un flacon de Parfum Madame de la maison d’Orsay. Mais,
alors qu’ils se dirigeaient tous trois vers Penn Station, Ruth avait demandé
avec douceur à

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