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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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communication
interurbaine avec Queens Village. Ce fut Ruth qui décrocha.
    « Tu peux parler ? demanda Judd.
    — Si je fais attention, fit-elle à voix basse.
    — On ne peut pas utiliser un marteau. La police sait
qu’un cambrioleur n’en aurait pas sur lui. Il nous faut quelque chose qui fera
l’affaire, mais qui soit difficile à identifier.
    — Comme quoi ? »
    Mais avant que Judd pût répondre, elle ajouta :
    « J’entends des pas », et elle raccrocha.
    Le lendemain après-midi, Judd pénétra dans la quincaillerie
L. S. Winne, dans Wall Street, à Kingston, et acheta un contrepoids de
fenêtre à guillotine. Le propriétaire devait se souvenir de Judd, car dans un
tel magasin, ses beaux habits étaient aussi voyants qu’une fusée de détresse,
et le commerçant se rappellerait s’être étonné : « Je crois que je
n’en ai jamais vendu à l’unité. Vous êtes sûr que vous n’en voulez pas une
paire ?
    — C’est tout ce qu’il me faut », lui avait assuré
Judd.
     
    De retour à Manhattan, Judd dissimula ses achats au milieu
de ses clubs de golf, dans son bureau. Après avoir convenu de retrouver Ruth au
Henry’s le lundi 7 mars pour déjeuner, il s’en fut chercher quelques
mètres de papier kraft au service courrier et emballa les instruments du crime
comme des objets fragiles, leur adjoignant une douille d’ampoule, un câble
électrique, une bouteille vide de scotch ainsi qu’une pièce de velours vert,
parce que Ruth avait trouvé dans McCall’s un patron pour fabriquer une
jolie lampe. Judd fit son entrée au Henry’s avec son paquet à midi, mais il dut
patienter une demi-heure avant que Ruth apparût – en compagnie de
Lorraine, qui plus est, et il fut contrarié de voir la fillette de neuf ans
mêlée à tout ça.
    Ruth fourra le paquet dans un sac en tapisserie et omit de
s’excuser pour son retard, soulignant seulement :
    « Tu as une mine affreuse, Judd.
    — C’est parce que je me sens affreusement mal. »
    Ruth décocha un regard en direction de Lorraine, à côté
d’elle, et écrivit sur une serviette en papier qu’elle fit passer à Judd :
« Mais tu agiras bien ce soir ? »
    Judd hocha la tête.
    Lorraine se redressa pour reluquer la serviette, tandis que
Ruth griffonnait : « J’essaye encore de me procurer de l’hydrate de
chloral. »
    « Qu’est-ce que ça dit, Lora ? demanda Judd.
    — Je n’arrive pas à lire, en attaché. »
    Judd gribouilla : « On n’en a plus besoin. »
    Et Ruth répondit : « Tu vas simplement estourbir
A. + chloroforme ? »
    Judd parcourut le restaurant du regard, affolé, comme si
leur dialogue écrit était audible. Une bougie rouge trapue était posée sur la
table et Judd enflamma la serviette. Lorraine le considérait d’un air grave.
Judd enfonça une main dans la poche de son pantalon et s’exclama :
    « Mais j’oubliais ! J’ai ici une pièce pour la
plus belle petite fille de New York. Et c’est toi. »
    Lorraine accepta le sou et déclara :
    « Ce que c’est gentil, oncle Judd. »
    Mais son ton avait quelque chose de forcé – tout comme
sa propre réaction, Judd devait l’admettre.
    Un vieux serveur bovin avec une moustache en guidon
s’approcha d’un pas tranquille et s’appuya des deux poings sur la table pour
savoir s’ils étaient prêts à commander.
    « Je suis désolé, mais je ne mangerai pas, annonça
Judd. Je dois retourner travailler. »
    Ruth le dévisagea avec inquiétude.
    « Mais tu viendras ? »
    Lorraine fronça les sourcils, désorientée.
    « N’oublie pas ton sac », insista Judd, et il
déguerpit.
     
    « Si j’avais possédé ne fût-ce qu’un soupçon de libre
arbitre, j’aurais certainement reconnu l’égarement qui se manifestait au plus
profond de mon âme et j’aurais tenu tête à Ruth comme un homme. Mais dans mon
souvenir, la notion de bien ou de mal ne m’a jamais traversé la tête. La seule
question était de savoir si je serais capable d’aller jusqu’au bout, en
espérant que quelque chose se produirait pour l’empêcher.
    « N’eussé-je perdu tout sentiment de Dieu et été à la
dérive, j’aurais pu me détourner de l’abîme et dissuader Ruth en prime.
Assurément, Dieu m’incitait en esprit à faire le bien. Mais lorsque l’esprit en
question a été amoindri à un degré tel que le mien, [une telle incitation]
n’est guère plus que le salut d’un ami qu’on ne reconnaît pas. »
     
    Ce

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