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Une irrépressible et coupable passion

Une irrépressible et coupable passion

Titel: Une irrépressible et coupable passion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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présentèrent à la porte de la
chambre 743 de l’hôtel Onondaga à deux heures et demie.
    Judd fut réveillé par une série de coups secs ininterrompus
et il était si désorienté qu’il se figura avoir trop dormi et que la femme de
chambre venait chercher son linge sale. Il alluma, chaussa ses lunettes,
chancela d’une démarche alcoolisée en direction du tambourinement et se
retrouva nez à nez avec trois hommes à l’air revêche, dont les pardessus
fumaient de froid.
    « Mr Gray ?
    — Oui. »
    Un colosse lui brandit son portefeuille sous le nez afin que
Judd pût identifier un badge de la police de Syracuse.
    « Je suis l’inspecteur Firth. La police de New York a apparemment
besoin de vous interroger au sujet d’un homicide. »
    Tâchant mollement de gagner du temps pour rassembler ses
pensées, Judd mentit :
    « Je ne sais pas ce que ce mot signifie.
    — Homicide ? Ça veut dire meurtre. On souhaite
vous questionner à propos de la mort d’un homme. »
    Le représentant de commerce badin reprit le dessus :
    « Le seul cadavre que j’aie sur la conscience, les
gars, c’est celui de ma dernière bouteille.
    — On a tiré le rigolo de service, hein ? commenta
un deuxième inspecteur, un dénommé Finocchio.
    — Vous allez devoir venir avec nous,
Mr Gray », reprit Firth.
    Finocchio et Firth pénétrèrent dans la chambre d’hôtel et
inspectèrent tout avec attention ; ils découvrirent un stylo plume Cross
en or dans le pardessus de Judd et l’édition dominicale du New York Times sur le bureau, mais omirent de fouiller dans la corbeille à papier. Un
inspecteur d’âge mûr du nom de Kerrigan, plus amical, surveilla Judd pendant
qu’il se débarbouillait et se brossait les dents dans la salle de bains, puis
s’appuya au mur à côté de la penderie quand Judd entreprit de s’habiller avec
chic et de bourrer dans sa mallette d’échantillons tous ses costumes et ses
chemises sur leur cintre.
    « Vous n’avez pas d’autre bagage ?
    — Je suis obligé de voyager léger. »
    Il mit la main sur la flasque de whisky que Ruth avait
additionné de chlorure de mercure et la fourra dans la poche de sa veste.
    « C’était quoi, ça ? se renseigna Kerrigan.
    — Du sirop pour la toux, prétendit Judd, avec un clin
d’œil.
    — Eh bien, je vais devoir le confisquer pour
l’instant. »
    Judd le lui remit et regarda le policier dévisser le bouchon
et renifler la flasque. Allait-il goûter ?
    « Bon Dieu, lâcha Judd avec humeur, ne buvez pas ça.
C’est du poison.
    — Sans rire ?
    — Sans rire.
    — Tiens donc. »
    En ce lundi 21 mars, à trois heures du matin, Henry
Judd Gray semblait aborder son interrogatoire avec bonhomie, tantôt comme une
regrettable erreur, tantôt comme un canular, et il paraissait si peu
susceptible de fuir ou de blesser quiconque qu’on ne le menotta pas pour
descendre jusqu’à la voiture de police. Se souvenant qu’il n’avait pas réglé sa
note, Judd confia treize dollars à l’un des policiers et, pendant que celui-ci
rentrait dans l’hôtel pour payer, Finocchio, assis sur la banquette avant, se
retourna et lança :
    « Vous avez beaucoup d’amis et de connaissances à New
York ?
    — Bien sûr, répondit Judd.
    — Comment se fait-il que vous n’ayez pas demandé qui
était mort ? »
     
    L’interrogatoire se poursuivit toute la nuit, au
commissariat central de Syracuse, et Judd s’entêta dans la fable selon laquelle
il était demeuré à l’Onondaga tout le week-end. À l’aube, les inspecteurs en
second Martin Brown et Michael McDermott arrivèrent par train du commissariat
de Jamaica et s’enfermèrent dans un bureau avec Judd ; ils commencèrent
par établir que la taille de ses mains plutôt féminines correspondait aux
plaies dans le cou d’Albert et voulurent savoir si Judd connaissait
Mrs Snyder – il indiqua que oui et qu’il l’aimait –, puis
détaillèrent toutes les raisons pour lesquelles son histoire ne cadrait pas
avec les faits. Mais Judd n’en démordit pas et s’enferra même dans le mensonge
en leur faisant accroire qu’il était diplômé de l’université Cornell, l’alma
mater de Brown.
    Martin Cadin, le chef de la police de Syracuse, devait affirmer :
« Je suis policier depuis plus de vingt ans et, s’il est coupable de ce
crime, c’est l’individu le plus calme que j’aie jamais croisé. »
    Aux alentours de deux heures de l’après-midi, on révéla

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