Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
Vom Netzwerk:
justifiées.
     
    L'heure du déjeuner était arrivée. Ils se séparèrent, Anne regagnant le palais des Batesti, Jean-Louis s'attardant à la terrasse du bar, à suivre les jeux aériens des pigeons et l'implacable glissement de l'ombre de la tour Mangia sur les pavés du Campo.
     

4.
     
    – Il y a une lettre de Jean-Louis, annonça Agnès ce matin-là, quand sa mère apparut dans la salle à manger à l'heure du petit déjeuner.
     
    Camille, qui avait commandé Émile pour onze heures afin de se faire conduire à Lyon « pour être au jour d'une amie de pension retrouvée depuis peu » – en fait, elle rejoignait M e Settier -, était plus jolie que jamais, dans un deux-pièces parme, au revers fleuri d'une rose blanche.
     
    - Et que dit-il ?
     
    - Il parle beaucoup de Sienne et d'une famille Batesti, il ne tarit pas d'éloges sur la vieille aristocratie siennoise qui meurt dans une misère pleine de noblesse. Il demande aussi si tu vois régulièrement M e Settier pour le règlement de la succession de Père.
     
    En prononçant cette dernière phrase, Agnès, sans cesser de tremper les lèvres dans sa tasse de thé, leva les yeux sur sa mère. Elle vit son visage rosir.
     
    - Tu pourras lui répondre que les choses avancent et qu'à son retour tout sera réglé. À propos, donne-t-il une date de retour ?
     
    Camille avait demandé à Georges Settier d'attendre le retour de son fils pour faire de manière officielle sa demande en mariage. En réalité, elle ne souhaitait pas se marier trop vite. Elle se complaisait dans sa situation de maîtresse. Les rendez-vous discrets, les déjeuners à Charbonnières, les coups de téléphone quotidiens l'enchantaient. Elle vivait l'aventure sentimentale que désirent toutes les femmes qui en ont été privées. Rien ne la réjouissait autant que passer deux heures à sa toilette et une heure à s'habiller avant un rendez-vous sauf peut-être l'achat d'une cravate ou d'une pochette pour l'homme qui, tardivement, lui avait révélé l'amour.
     
    Par moments, les battements de son cœur s'accéléraient de manière incontrôlable quand la Rolls roulait dans les faubourgs de Lyon et qu'elle jetait un regard sur son visage dans la glace du poudrier d'or que Georges lui avait offert au lendemain de leur première étreinte. Camille était heureuse, simplement. Son corps assouvissait sans retenue des désirs dont, quelques mois plus tôt, elle aurait nié l'existence. Sa pensée trouvait là matière à des préoccupations qui la rendaient encore plus prolixe que par le passé dans sa correspondance où, cependant, ne s'égarait aucune confidence.
     
    Son bonheur, sa satisfaction, la plénitude de cette liaison entourée de mystère avaient l'acidité du péché provisoire – car le mariage prévu l'absoudrait - et Camille y mettait de la délectation. Par moments, elle se prenait pour une grande amoureuse, pour une femme qui avait vécu, elle regrettait presque que tout soit aussi simple.
     
    Ce jour-là, elle était particulièrement consciente d'être la maîtresse de Georges – le mot seul suffisait à la faire frissonner -, car il y avait exactement deux mois qu'ils se retrouvaient. Elle avait fait préparer la veille par la cuisinière des pets-de-nonne, ces petits beignets que M e Settier adorait. Après l'amour, à l'heure du thé, ils les croqueraient ensemble, et des larmes lui monteraient aux yeux à la pensée de toute cette naïve tendresse qu'elle avait pour lui.
     
    - Maman, dit Agnès qui ne s'étonnait plus des absences de Camille et du sourire quasi extatique qui était le sien quand elle succombait à ses rêveries, dont la jeune fille devinait l'objet, maman, répéta-t-elle, tu n'oublies pas que demain nous dînons chez les Vérimont.
     
    - Oui, je sais, répondit Camille avec un soupir car elle détestait le fondé de pouvoir depuis que Georges lui avait laissé entendre que Michel Vérimont demanderait la main d'Agnès en sortant de Polytechnique.
     
    « Ce serait un excellent parti, avait dit Georges qui était un ami de toujours de Pierre Vérimont, père de Michel, mais il est probable qu'Agnès refusera comme tous les autres... »
     
    Et Camille craignait par-dessus tout qu'au dîner du lendemain, le jeune homme qui venait d'arriver de Paris ne dévoile ses batteries et ne se voie signifier une fin de non-recevoir à peine polie, de la part d'Agnès.
     
    - Michel sera-t-il là ? demanda Camille pour tenter de prévoir l'accueil que

Weitere Kostenlose Bücher