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Une tombe en Toscane

Une tombe en Toscane

Titel: Une tombe en Toscane Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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recevrait une éventuelle avance du jeune homme.
     
    - Bien sûr, dit Agnès sur le ton toujours un peu mordant qui était le sien. Tu sais bien qu'il est arrivé hier. D'ailleurs, il vient me chercher cet après-midi pour une partie de tennis.
     
    – C'est bien, répondit Camille qui se prit à espérer que sa fille pourrait peut-être éconduire le prétendant au cours d'un tête-à-tête sportif, ce qui lui éviterait de se faire du souci pendant tout un dîner.
     
    Elle enfilait des gants de daim noir, quand Agnès reprit la parole.
     
    - Tu ne trouves pas que Jean-Louis est absent bien longtemps, le Portugal, puis l'Italie et cela sans raisons d'affaires sérieuses. Je me demande s'il aura jamais le courage de revenir prendre la place de Père, sa mort lui a causé un tel chagrin.
     
    Camille se retint de répondre « et à moi, donc ». Elle ne pouvait se résoudre à jouer encore le rôle de veuve éplorée, alors qu'elle était à la veille d'annoncer son intention d'épouser M e Settier.
     
    - Ça ne peut que lui faire du bien, dit-elle, et puis M. Vérimont suffit à l'usine, il paraît qu'ils n'ont jamais eu autant de commandes.
     
    - Ce n'est pas à l'usine que je pensais, et s'il y avait des décisions familiales à prendre, il faudrait qu'il soit là...
     
    Camille, devant la glace du salon, posa sur ses cheveux blonds un petit chapeau de velours noir dont elle rabattit la voilette. Les décisions familiales ? Qu'avait voulu dire par là Agnès ? Cela lui importait peu et elle ne se souciait pas de poursuivre la conversation, depuis que, par la fenêtre, elle voyait la voiture devant le perron et que la pendule, en face d'elle, marquait onze heures moins cinq.
     
    – Je me sauve, ma chérie. Émile dit qu'il nous faudra une heure pour aller à Lyon, à cause de la circulation et je ne veux pas être en retard...
     
    Agnès, qui ne déjeunait pas quand elle était seule à la maison, beurra un autre toast.
     
    - C'est ça, sauve-toi, et n'oublie pas de me rapporter des bas.
     
    - Sois sans crainte, dit Camille en lui envoyant un baiser du bout de son gant avant de quitter le salon d'une démarche de mannequin.
     
    « Gamine », se dit Agnès en achevant le toast.
     
    Puis, mue par une étrange et soudaine compassion, elle se leva, ouvrit la fenêtre, comme sa mère descendait le perron et lança avec toute la tendresse dont elle était capable :
     
    – Tu es ravissante, ne te fais pas enlever...
     
    Dans la voiture, Camille pensa longtemps à ce compliment, le premier que lui décernait sa fille. Son bonheur en fut augmenté d'autant et elle eut un geste de la main, comme en ont les princesses en visite officielle, à l'égard de l'agent du carrefour qui porta la main à son képi en reconnaissant la voiture des Malterre.
     
    L'image de sa félicité lui plaisait plus que Georges lui-même. Camille jouait à la femme.
     
    Quand, un peu plus tard, Agnès répondit à Jean-Louis, elle eut un moment envie de dépeindre leur mère telle qu'elle venait de la voir. Puis elle se ravisa. Ce serait faire une peine gratuite au seul être qui portât le deuil réel, celui du cœur, pour son père.
     
    Agnès s'interrogea une nouvelle fois sur les raisons de cet attachement admiratif que Jean-Louis portait à leur père. En toute loyauté, Agnès se disait qu'elle aimait mieux son père maintenant qu'il était mort. Elle se souvenait de lui comme d'un être dur, presque méprisant pour les femmes de la maison. S'il sortait volontiers avec Jean-Louis, il n'avait jamais manifesté le désir d'être accompagné de sa fille même pendant les vacances. Elle avait toujours eu l'impression que tous les êtres qui approchaient Louis Malterre n'étaient que des faire-valoir et elle se prit à imaginer ce qu'aurait été la vie aux Cèdres, si sa mère avait disparu la première. « Il est probable, pensa-t-elle, que rien n'aurait changé, aurait-il seulement pleuré... ? » Elle pensait qu'il aurait plutôt considéré le deuil comme une insulte et qu'il en aurait peut-être conçu une rancœur posthume contre sa femme, si elle le lui avait infligé.
     
    « Il était de ceux dont on porte le deuil, se dit-elle, pas de ceux qui portent celui des autres... »
     
    Et comme elle ne pouvait pas non plus l'envisager vieux ou diminué ou malade, elle estima qu'il avait eu la mort la mieux adaptée à son personnage, nette, rapide, propre, une sorte de fin autoritaire et formelle comme un claquement de

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