Une veuve romaine
quartier de la via Lata. Sur le mont Pincio.
Je ne pus retenir un sifflement admiratif.
— Beau quartier. Est-ce que la famille d’Hortensius est noble ?
— Ce sont des affranchis.
D’anciens esclaves ! La situation était nouvelle pour moi. Mais cela allait me changer des officiels vindicatifs, et des hypocrites que j’avais rencontrés chez les sénateurs.
— Tu as des objections ? s’enquit Hyacinthus avec curiosité.
— Pourquoi en aurais-je, s’ils me payent bien ?
— Oh !… tu as raison, commenta l’esclave.
Il finit d’avaler son vin et parut attendre que je le resserve, ce que je n’avais aucunement l’intention de faire.
— Nous sommes du côté de la via Flaminia, Falco. N’importe qui pourra t’indiquer la maison.
— Si Hortensius ne doit pas être mis au courant de cette démarche, quel est le meilleur moment pour que je vienne ?
— Dans la journée. C’est un homme d’affaires, et il part généralement après le petit déjeuner.
— Et c’est quoi, ses affaires ? (Il s’agissait d’une question de pure routine, mais la façon dont Hyacinthus l’éluda en haussant les épaules me parut plutôt bizarre.) Qui devrai-je demander ?
— Sabina Pollia. Si elle n’est pas disponible, il y en a une autre qui s’appelle Hortensia Atilia. Mais c’est Sabina Pollia qui a pris l’initiative de cette démarche.
— Sa femme ?
Son visage s’éclaira d’un sourire.
— Novus n’est pas marié.
— N’ajoute rien. Les femelles de la maison veulent s’assurer mes services pour effrayer une chercheuse d’or ? (Hyacinthus eut le bon goût de paraître impressionné.) Quand un célibataire dispose déjà de femmes qui le harcèlent chez lui, pourquoi décide-t-il toujours que ses problèmes se résoudront tout seuls s’il en épouse une autre ? N’essaie pas de me faire croire que ce n’est pas le cas d’Hortensius Novus, grondai-je. Sinon, pourquoi serais-tu venu me voir de leur part, en te cachant de lui ?
— Tu ne vas pas me dire que tu ne t’occupes pas des chercheuses d’or ? rétorqua l’homme à tout faire.
— Au contraire, je ne fais pratiquement rien d’autre ! l’assurai-je sombrement. Les chercheuses d’or sont des femmes merveilleuses : le fondement de ma profession !
— Si jamais tu cherches à louer un appartement plus respectable… commença-t-il en se dirigeant vers la sortie.
— Ça pourrait en effet m’intéresser.
Je le suivis jusqu’à la porte du balcon.
— Contacte Cossus, suggéra-t-il aimablement. C’est un agent immobilier installé dans le vicus Longus. Il n’est pas très dynamique, mais on peut lui faire confiance. Il a des tas d’endroits corrects à louer aux hommes d’affaires. Si tu vas le trouver de ma part, je suis sûr qu’il s’occupera bien de toi.
— Merci. Je le ferai peut-être.
Bien évidemment, Hyacinthus pensait que sa proposition méritait un pourboire. Je garde toujours un demi-aureus cousu dans l’ourlet de ma tunique, mais pas question de m’en séparer pour un esclave. Tout ce que je pus trouver fut une petite pièce de cuivre, qui n’aurait même pas suffi à un gardien de latrines pour me laisser entrer.
— Merci, Falco. Ça va gonfler la somme qui me permettra d’acheter ma liberté.
— Désolé. Je n’ai pas été en contact avec mon banquier depuis un certain temps.
Je fis tout mon possible pour qu’il prenne mon séjour à la Lautumiæ pour une mission secrète. Une fois rentré chez lui, je tenais à ce qu’il puisse raconter des choses flatteuses sur mon compte à mes clients éventuels.
5
L’affranchi Hortensius Novus habitait au nord de la ville, sur les pentes parfumées du mont Pincio. Sa maison était entourée d’un mur assez haut pour empêcher quiconque de regarder par-dessus – encore eût-il fallu que ses distingués voisins vivent assez près de chez lui, ce qui n’était pas le cas. Dans ce quartier, les jardins entourant les villas étaient encore plus vastes que les parcs publics qui les séparaient entre elles. Pour donner une idée de la taille des propriétés, il suffit de préciser qu’on y trouve le « Jardin de Lucullus » qui avait si fort tapé dans l’œil de l’impératrice Messaline. Au point que, quand son propriétaire refusa de le lui vendre, elle le fit exécuter.
Après avoir convaincu le portier de me laisser entrer, je remontai la large allée qui s’élevait à flanc de colline. Le paysage
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