Une veuve romaine

rendras à Didius Falco la totalité de la somme qu’il t’a versée, plus une compensation pour la perte de ses meubles et de ses vêtements.
    — C’est promis.
    Le concept d’hommes faisant de chaleureuses promesses qu’ils s’empressent d’oublier était connu d’Helena.
    — Tu vas nous signer une traite ici et maintenant, décréta-t-elle, d’un ton sans réplique.
    — Entendu. Et si vous cherchez un nouveau toit au-dessus de vos têtes, je pense pouvoir trouver une solution rapidement.
    — Un autre de tes baux précaires, peut-être ? demandai-je d’un ton narquois.
    Helena me prit par la main et nous le dévisageâmes gravement.
    Puis elle se leva, et fonça en haut de la rue acheter de quoi écrire, tandis que je me mettais d’accord avec Cossus sur le montant de la compensation. Ce marchandage m’amusait et, finalement, le prix qu’il accepta était nettement supérieur à la valeur de mes meubles.
    À son retour, Helena lui dicta les termes de l’effet.
    — Tu l’établis à l’ordre de la dame, précisai-je. Elle s’appelle Helena Justina, et c’est elle qui tient mes comptes.
    Cossus eut l’air surpris. Quant à Helena, je ne saurais dire quelle était sa réaction, car j’évitai soigneusement son regard.
    Vint le moment où le choix qui s’offrait à nous était de laisser partir Cossus ou de le faire arrêter. Ce fut Helena qui, sans rien perdre de son calme, déclara :
    — J’aimerais connaître le nom de notre propriétaire.
    Cossus eut l’air très mal à l’aise. Je confirmai ses craintes :
    — Récupérer notre argent n’est qu’un début.
    — Il doit être traîné en justice, ajouta Helena.
    Cossus se mit à fulminer, mais je le coupai court.
    — Vois-tu, il a commis une légère erreur. La dame que tu as devant toi, et qui a manqué d’être tuée aujourd’hui, est la fille d’un sénateur. Quand son père va apprendre ce qui a failli arriver à son petit trésor, sa première réaction sera de saisir la curie – et les choses risquent d’aller très très loin.
    La dernière chose souhaitée par Helena, c’était de mettre son père au courant des dangers qu’elle affrontait en vivant avec moi. Mais il l’apprendrait très certainement, et Camillus Verus était l’un des rares membres du Sénat enclin à placer les gros propriétaires sur la sellette.
    — Je tiens à le savoir, continuai-je. Alors, je t’écoute, Cossus. Je veux pouvoir dormir ce soir avec la conscience claire. Dis-moi que je ne m’étais pas mis – en y entraînant cette précieuse dame avec moi – entre les griffes de cette calamité d’Appius Priscillus.
    — Oh ! non, Falco ! s’exclama-t-il d’un air soulagé.
    — Alors ? Je t’écoute !
    Il parla en reculant, et sa voix se transforma en un maigre croassement.
    — Je travaille pour les Hortensius. C’était Novus, ton propriétaire.
    De mes deux mains noircies, j’agrippai le devant de sa large tunique, et le secouai au risque de lui décrocher toutes les dents.
    — Ne m’accuse pas, moi, plaida Cossus. J’aurais cru que c’était évident !
    Il s’attendait à ce que je lâche prise, mais je n’en avais pas l’intention.
    — Novus est mort ! Novus est mort la semaine dernière !
    — Alors pourquoi t’affoles-tu ?
    — Qui a donné l’ordre de faire démolir cet immeuble ?
    — Il y a des semaines que Novus m’en avait donné l’ordre.
    — Et après la mort de Novus, as-tu pris les instructions de ses héritiers ?
    — Oui, parfaitement.
    La façon dont il le prononça sonnait tout à fait faux.
    — Auprès de Felix ou de Crepito ?
    Je cessai de le secouer, mais entortillai sa tunique autour de mon poing. J’étais certain qu’il avait été bien trop paresseux pour monter jusqu’à la maison, afin de demander ce qu’il devait faire.
    — Elle est passée au bureau, murmura-t-il. Auparavant, elle venait souvent m’apporter des messages de Novus. Alors c’est à elle que j’ai demandé. Elle m’a dit de ne pas aller ennuyer la famille au cours d’une période de deuil, et de ne pas hésiter à faire ce que Novus avait projeté…
    — C’est qui « elle », Cossus ?
    — Severina Zotica.
    — Cette femme n’avait aucune autorité en la matière, rétorquai-je d’un ton posé, mais en détachant chaque mot. Cossus, elle t’a rendu complice d’un meurtre.
    Je cessai de m’intéresser à lui, à l’instant où le véritable sens de ce qu’il venait