Vengeance pour un mort
ivrognes de cette ville. En route pour Lo Partit !
Malgré sa taille et sa corpulence, ils remirent Arnau sur pied. Il s’appuya sur leurs dos et leurs épaules et les étreignit faiblement. Au premier pas, il poussa un petit cri de douleur et jura.
— Je crains que cette jambe ne soit blessée, dit-il comme pour s’excuser. Elle ne me portera pas.
— Dans ce cas, traînez-la, lui dit Johana. Oui, traînez-la, sinon vous êtes un homme mort et, par tous les saints du ciel, je ne le supporterai pas !
Ils se dirigèrent vers l’est, une marche épuisante qui les fit monter vers le quartier juif avant de redescendre vers le canal, au pied des remparts. Ils chantaient à tue-tête, se faisaient insulter et titubaient de manière très convaincante sous le poids d’Arnau ; de plus en plus souvent, il sombrait dans l’inconscience. Enfin la puanteur des champs d’épandage et des équarrissoirs leur apprit qu’ils avaient atteint le quartier où les prostituées vivaient et exerçaient leurs activités. Ils firent silence, ne pensant plus qu’à trouver leur chemin et à porter Arnau sans blesser davantage son corps meurtri.
— Clarmon, dit doucement Jordi à la porte d’une cabane. Tu es occupée ?
— Jamais trop pour toi, dit une voix venue de l’intérieur. Qui que tu sois, ajouta-t-elle en entrebâillant la porte. Oh, Jordi. Avec des amis. J’aime les amis, quand ils sont dignes de confiance…
— L’argent n’est pas un problème, dit doucement Johana. Maîtresse Esclarmonda, votre aide nous sera précieuse. Et votre silence. Je serai généreuse.
— C’est pour lui ?
Johana hocha la tête.
— Il est malade ou blessé ?
— Blessé.
— Généreuse à quel point ?
— En or.
— Faites-le entrer, dit Esclarmonda qui ouvrit plus grand la porte pour les laisser passer. Ce gentilhomme a besoin d’aide. Couchez-le sur le lit.
Elle alluma une autre bougie qu’elle approcha pour le regarder, lui d’abord, puis sa femme.
— Il a une belle collection de bleus, à ce que je vois.
— Et un ou deux membres brisés du côté droit, ajouta Johana. Il lui faudra un rebouteux ou un chirurgien.
— Madame, ce que je pourrai faire, je le ferai, et sans explications superflues. Je ne parle jamais de mes clients.
— D’autres habits, aussi. Qui ne soient pas si…
— Propres à son rang ?
— Oui. Il a des ennemis. Et il y a d’autres raisons, d’impérieuses raisons, pour le mettre à l’abri.
— Je peux changer son apparence et le garder un jour ou deux. Je vais dès ce soir envoyer chercher le chirurgien afin qu’il les soigne tous deux, car je vois que mon ami Jordi s’est battu, lui aussi. Mais votre mari, madame, devrait être examiné par un habile médecin. Pourquoi ne pas l’emmener chez maître Pere Vila au lieu d’Esclarmonda ?
— Maître Pere le reconnaîtrait, et j’ignore si nous pouvons lui faire confiance.
— Je vois. Dans ce cas, laissez-le-moi. Je vais lui trouver un endroit tranquille où on s’occupera bien de lui. Pas ici. Les bruits se répandent comme la peste dans le quartier. Dans deux ou trois jours, quelqu’un sera à la porte à se demander qui il est, pourquoi il est là et si quiconque dans la ville achèterait l’information. Il y en a beaucoup ici qui trahiraient leur grand-père pour un sou.
— Sera-t-il en sécurité pendant un jour ou deux ?
— Oui. Les voyageurs qui ont un peu d’argent passent habituellement deux jours chez moi avant de repartir. Personne ne s’en occupe.
— Eh bien, maîtresse, je n’ai d’autre choix que de vous croire. Vous me contacterez quand vous aurez pris des dispositions ?
— Oui. Je vous trouverai où ?
Johana prit la bougie que tenait Esclarmonda et la brandit devant elle. Sa sauveteuse était plus grande que la plupart des femmes ; elle avait un front haut et large, des yeux brun clair et une bouche qui se tordait d’amusement devant un tel examen. Esclarmonda rejeta les cheveux qui tombaient sur son visage pour permettre à sa visiteuse de la mieux voir, et ils reprirent leur place en une masse de boucles épaisses. Troublée, la femme d’Arnau prit une profonde inspiration et déposa leur existence entre ses mains.
— Au palais. Dame Johana Marça.
Esclarmonda hocha la tête d’un air compréhensif.
— Madame, je peux vous assurer que le bourreau ne l’aura pas tant que je prendrai soin de lui.
— Voilà pour vous, dit Johana en lui
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