Victoria
gouvernante, Mrs Hilyard. Chaque jour de la semaine est divisé selon un emploi du temps assez strict. Ils étudieront l’arithmétique, la géographie et la grammaire anglaise, ainsi que l’allemand et le français. La reine tient à veiller elle-même à l’instruction religieuse de la princesse royale. Celle du prince de Galles est confiée à Mrs Hilyard et à Lady Lyttleton. Victoria échange quelques lettres avec sa demi-sœur Feodora sur la question de savoir s’il est convenable que les enfants disent leur prière du soir dans leur lit. Ceux de Victoria continueront de s’agenouiller. Il est également très important que le dimanche soit un jour de repos, sans aucune leçon, consacré aux divertissements.
La classe III débutera vers l’âge de 7 ans. Bertie aura alors un tuteur et un valet. Vicky aura une servante, en plus de Mrs Hilyard. Vers 10 ans, elle aura une gouvernante et commencera d’apprendre les usages du monde.
Une difficulté particulière vient de ce que les enfants, en grandissant, ne se défont pas d’un caractère atrabilaire et colérique. Vicky entre parfois dans des crises de rage et se roule par terre en hurlant sans qu’on puisse la calmer. On attribue cela au sang des Hanovre, qu’il convient de dompter à tout prix. Il arrive que la princesse royale soit emprisonnée, les mains liées, après une sévère admonestation, pour lui faire prendre conscience de ses torts. Alice a déjà tâté du fouet pour avoir menti et « rugi ». Cependant, ce sont là des caprices d’enfants bien ordinaires, et la méthode forte permet de corriger leur caractère avec d’assez bons résultats.
Il est beaucoup plus inquiétant que Bertie paraisse décidément attardé. Il n’est guère plus avancé qu’Alice, qui a 18 mois de moins que lui, et qui pourtant n’est ni aussi studieuse ni aussi intelligente que Vicky. Bertie est d’un tempérament explosif, il bégaie, semble extraordinairement réfractaire à l’étude, et préfère les exercices physiques violents. On redouble donc la pression exercée sur lui pour le contraindre à étudier. Toutefois, Stockmar, consulté sur ce point, met ses parents en garde contre pareille méthode.
« Il va sans dire qu’un tel système, s’il était appliqué sans relâche et particulièrement pendant les premières années de la vie du prince, conduirait rapidement, s’il est un garçon vif, à quelque maladie cérébrale, et, s’il est constitutionnellement lent, induirait inévitablement le dégoût. »
Le prince Albert consulte le phrénologue Sir George Combe. La phrénologie est cette théorie, inventée par le neurologue allemand Franz Joseph Gall, selon laquelle les bosses du crâne d’un individu reflètent son caractère. Sir George, après avoir examiné Bertie, corrobore les avis de Stockmar : dans le cas du prince de Galles, la manière forte est vivement déconseillée. Douceur et bienveillance sont les meilleurs moyens de faire s’épanouir une telle personnalité.
Pour l’instant, la patience est de rigueur et le prince s’évertue, le dimanche, à jouer pendant de longues heures avec ses enfants. Il construit avec eux des châteaux de cubes si hauts que, pour les terminer, il doit monter sur une chaise et se dresser sur la pointe des pieds. Il n’est pas celui qui s’esclaffe le moins fort quand tout s’écroule.
Albert est si drôle ! Sa bonne humeur fait rire les enfants aussi bien que Maman. Victoria se morfond-elle encore que la presse ait critiqué sa mine boudeuse au moment de leur voyage en Prusse ? Voilà ce qu’il faut qu’elle fasse la prochaine fois. Papa virevolte dans la pièce comme un danseur de ballet, en montrant bien toutes ses dents, comme ça ! Entrechats, pirouettes, il s’immobilise sur un pied, l’autre en l’air, bras écartés, un rictus lui fendant la figure jusqu’aux oreilles.
Néanmoins, les facéties familiales du prince Albert sont le masque d’un clown triste. Les temps sont tragiques et l’inquiétude pesante. Victoria et Albert ont le souci de donner à leurs enfants une éducation qui leur permette de parer à toute éventualité. L’époque est si troublée, l’action politique si difficile, qu’ils doutent souvent de la survie de la monarchie.
« Quand on pense à ses enfants, écrit Victoria à Léopold, à leur éducation, à leur avenir (prions pour eux), je pense toujours et je me dis à moi-même : “Qu’en grandissant ils soient aptes à
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