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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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très curieuse page d’histoire, et donne lieu à de nombreuses réflexions. Un remarquable concours de circonstances a conduit à l’alliance très intime qui unit maintenant l’Angleterre et la France, qui furent pendant tant de siècles les adversaires et les rivaux les plus âpres, et cela, sous le règne du présent empereur, le neveu de notre plus grand ennemi, portant son nom, et cela fut occasionné par la politique du défunt empereur de Russie, qui se considérait comme le chef de l’Alliance européenne contre la France ! »
    Puis elle en vient à son appréciation du caractère du « présent empereur Napoléon », car elle ne manque pas d’être troublée par la saisissante différence qu’elle perçoit entre le personnage historique qu’elle connaît et l’homme qu’elle a rencontré.
    « C’est un homme très extraordinaire, indubitablement pourvu de grandes qualités, et je pourrais presque dire un homme mystérieux. Il est à l’évidence doué d’un indomptable courage, d’une inflexible fermeté de propos, de confiance en soi, de persévérance, d’un grand sens du secret. À cela il convient d’ajouter une grande confiance dans ce qu’il appelle son Étoile, et une croyance dans des présages et des incidents en rapport avec sa destinée, qui est presque romantique, et en même temps un merveilleux self-control, un grand calme, une gentillesse même, et un pouvoir de fascination, dont l’effet sur ceux qui apprennent à le connaître plus intimement est ressenti presque physiquement. Dans quelle mesure il est habité d’un fort sens moral de ce qui est bien ou mal, voilà qui est difficile à dire. »
    Elle n’oublie pas qu’il a ouvertement appelé les Français à voir en lui le successeur de Napoléon, et qu’il a perpétré le coup d’État de décembre 1851 en dépit de la promesse qu’il avait faite, après ses aventures de Boulogne et de Strasbourg, de ne pas réitérer de telles tentatives. L’une des choses qu’elle ne peut pas lui pardonner est d’avoir confisqué les biens de la famille d’Orléans. En le comparant avec « le pauvre roi Louis-Philippe », elle trouve que l’empereur n’a pas son immense expérience des affaires publiques, qu’au contraire il paraît même étonnamment ignorant d’un grand nombre de sujets, qu’il manque d’application, mais qu’il possède la même fertilité d’imagination.
    « Il est par conséquent très étonnant, en vérité tout à fait incompréhensible, qu’il fasse montre de toutes les aptitudes à gouverner, et de tout ce merveilleux tact dans sa conduite et ses manières que plus d’un fils de roi, élevé dans les palais et éduqué aux affaires, ne parvient jamais à acquérir. De même, je pense qu’il serait incapable des duperies et transgressions que pratiquait ce pauvre roi Louis-Philippe (dont je garderai toujours le vif souvenir des gentillesses et des qualités aimables, car il fut le cher ami de mon père), qui dans les petites comme dans les grandes choses prenait plaisir à être plus rusé et plus malin que les autres, souvent quand il n’y avait aucun avantage, ce qu’il a malheureusement montré dans les transactions afférentes aux mariages espagnols, qui entraînèrent la chute du roi et le déconsidérèrent aux yeux de l’Europe. »
    Il reste qu’elle estime avoir toutes les raisons de faire fond sur leur attachement réciproque, parce qu’il y trouve son intérêt. L’empereur et l’impératrice sont isolés en Europe, manquant de relations avec les autres familles régnantes qui les tiennent pour des parvenus, entourés seulement de courtisans intéressés et par conséquent peu dignes de confiance. Elle veut croire que sa franche amitié est pour Napoléon III un atout dont il ne sera pas pressé de se défaire.
    « Je serai curieuse de voir si, à l’épreuve du temps, mon opinion et mon estimation auront été les bonnes. VICTORIA R . »

40
    Le 22 mai 1855, sur Horse Guards Parade, en face des bâtiments de l’ancienne amirauté, la reine, en robe rose, mantille verte et bonnet de dentelle blanche, distribue des médailles aux vétérans de Crimée. À sa gauche se tient le prince Albert en tenue de maréchal et bicorne à casoar ; à sa droite Bertie, le prince de Galles, en kilt et plaid de Highlander. Les officiers en grande tenue, les simples soldats risquant parfois un sourire ou n’osant lever les yeux, défilent un par un devant elle pour

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