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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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pays. Mal équipés, ils combattent en tenue d’été dans les rigueurs de l’hiver, sans aucune assistance sanitaire hormis les efforts héroïques de Miss Nightingale et de ses infirmières. Par une choquante incurie, on va jusqu’à oser leur fournir des grains de café non torréfié qu’ils doivent griller eux-mêmes dans leurs gamelles. Pendant ce temps, il fait peu de doute que des officiers supérieurs corrompus s’autorisent un favoritisme sans scrupules, que résume dans la presse l’expression « Prenez soin de Dowb ». Ce sont les derniers mots de la lettre du secrétaire d’État à la Guerre, Lord Panmure, nommant le général Simpson en remplacement de Lord Raglan, mort de dysenterie. Panmure, détracteur déclaré du népotisme et des passe-droits, recommandait ainsi au nouveau commandant en chef de protéger un certain Dowbigging, membre de sa famille.
     
    Miné par les soucis et les crises de nerfs dont la reine l’accable, Albert a perdu le sommeil et ses maux d’estomac redoublent d’intensité. Victoria a toujours trop chaud. Convaincue que la chaleur est nocive pour la santé, elle refuse catégoriquement qu’on allume les feux et fait constamment ouvrir les fenêtres. Albert a pris froid et souffre d’une forte fièvre qui ne le quitte pas. Une robe de chambre en cachemire par-dessus ses habits, les épaules et les jambes couvertes d’un plaid, souvent coiffé d’une perruque, il passe ses longues nuits d’insomnie à sa table de travail, dans la lueur de sa lampe verte. La reine non plus ne dort pas.
    L’effort de guerre appauvrit le pays. En ce mois de février 1855, des bandes d’émeutiers et de chômeurs affamés s’agitent dans les villes du Nord, à Liverpool, puis à Londres. On estime à plus de dix mille le nombre de ceux qui, dans l’East End, pillent les boulangeries et les marchands de chandelles, ou rançonnent les bourgeois jusque dans leurs maisons.
    Plus encore que d’argent, pour mener une action décisive dans la guerre la Grande-Bretagne manque d’hommes. Albert propose de constituer un corps de mercenaires allemands, suisses et italiens. Dans l’armée, certaines voix s’élèvent contre l’idée même de recourir à des forces étrangères : « Et pourquoi pas des Peaux-Rouges ? » Pragmatique, Palmerston est sur le point de se résoudre à envisager cette solution, quand plusieurs événements viennent changer la donne. Victor-Emmanuel II, roi de Sardaigne, s’engage aux côtés des alliés avec 15 000 hommes. Sous l’influence de Cavour, il espère obtenir en retour l’appui de la France et du Royaume-Uni dans la lutte contre l’Autriche pour l’indépendance de l’Italie. Puis, le 2 mars 1855, le tsar Nicolas meurt. Son fils Alexandre II, qui lui succède, laisse penser qu’il acceptera les termes du congrès de Vienne. Enfin, Napoléon III propose des troupes de renfort, à condition que la marine britannique les transporte jusqu’au théâtre des opérations.
    Ces bonnes nouvelles s’accompagnent d’une autre, plus inquiétante. L’empereur des Français insiste pour se rendre lui-même en Crimée et prendre en personne le commandement de l’armée. Son propre entourage s’efforce de l’en dissuader, mais plus encore les Anglais. S’il lui arrivait malheur, l’instabilité que cela entraînerait en France et en Europe aurait des conséquences incalculables. Si, à l’inverse, cette entreprise était couronnée de succès, un tel fait d’armes reléguerait les Britanniques au second plan, tandis que Napoléon III s’engagerait dans une imitation bien dangereuse de la trop glorieuse carrière militaire de son oncle.
    Palmerston dépêche Clarendon, fort de la confiance qu’il inspire à l’empereur et de son amitié avec l’impératrice Eugénie qu’il connaît depuis l’enfance. Il est porteur d’une invitation de Victoria, qui souhaite recevoir Napoléon III en visite officielle à Londres, puis dans son château de Windsor.
    Le 16 avril 1855, le prince Albert accueille leurs hôtes de France à Douvres, où le yacht impérial Pélican accoste dans un épais brouillard, sous les vivats des autorités locales et de la population. Un train spécial les conduit à la gare de Bricklayer’s Arms, puis ils traversent Londres en landau ouvert. Remontant l’itinéraire qu’emprunte la reine pour se rendre au Parlement, ils passent devant Whitehall, poursuivent jusqu’à Trafalgar Square, puis s’engagent

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