Victoria
beautés du jour, la duchesse de Sutherland, Lady Frances Cowper, qui à son avis sont celles qui ont l’air le plus naturel et le plus intelligent.
« Le désir des gens de voir ma pauvre personne stupide était très grand, et je dois dire que j’en suis très touchée et très fière, comme je l’ai toujours été de mon pays et de la Nation anglaise. »
De retour au palais, elle écrit son journal.
« C’est aujourd’hui mon dix-huitième anniversaire ! Comme je suis vieille ! Et pourtant comme je suis loin de ce que je devrais être. À partir de ce jour, je prends la ferme résolution d’étudier avec une assiduité redoublée, de tenir mon attention toujours fixée sur ce que je fais, et de m’efforcer de devenir chaque jour moins futile et plus apte à être ce que, si le Ciel le veut, je serai un jour ! »
Dès le lendemain, le baron Stockmar arrive à Londres. La santé déclinante du roi fait craindre à Léopold que les ambitions de Conroy et de la duchesse, portées à leur paroxysme, ne les poussent à quelque extrémité regrettable. Stockmar, diplomate d’une grande finesse et remarquablement informé, s’interpose avec tact et fermeté.
Il demande à Victoria si, après la venue de Lady Connyngham et la première lettre qu’elle a signée, elle a bien eu personnellement connaissance de la seconde offre de Sa Majesté, apportée au palais de Kensington par Lord Melbourne en personne. Il veut également savoir s’il est exact qu’elle a donné sa pleine approbation au second refus, comme l’affirme Mme de Kent. Victoria lui répond qu’elle n’a même pas été informée d’une quelconque visite du Premier ministre.
« Comme je n’ai jamais rien su de la lettre de Lord Melbourne, je ne connais, bien sûr, absolument rien de la réponse. »
Sur le conseil de Stockmar, la princesse dicte à la baronne Lehzen un mémorandum où elle expose sa version des faits.
« Je me suis opposée le 19 mai, comme je l’avais toujours fait auparavant, à ce que Sir John Conroy ait aucune ingérence dans mes affaires. Quoi qu’il ait fait, cela fut fait sur ordre de ma mère, comme je l’ai dit en son nom, sans que je sois responsable d’aucune de ses actions, puisque Sir John Conroy est son secrétaire privé et qu’il n’est ni mon serviteur, ni mon conseiller, et ne l’a jamais été . »
Elle dénonce par écrit les intrigues qui l’entourent et les mensonges qui sont faits en son nom. Dans sa position du moment, c’est tout ce qu’elle peut faire pour se prémunir contre d’autres manipulations, qui pourraient lui arracher par la ruse un consentement qu’elle refuse. Conroy s’obstine au point de perdre désormais tout sang-froid. Le baron Stockmar en informe le roi des Belges, non sans humour, en feignant de coder le patronyme de l’intrigant par une onomatopée à l’orthographe irlandaise.
« O’Hum continue le système d’intimidation avec le génie d’un fou, et la duchesse fait tout ce qu’il lui dit de faire avec une docilité et une persévérance admirables.
« La princesse continue de refuser fermement de promettre à sa maman de faire d’O’Hum son conseiller confidentiel. Si elle tiendra bon, Dieu seul le sait, car ils la harcèlent chaque jour et à toute heure. Les personnes âgées m’ont souvent déçues, pourquoi les jeunes ne le feraient-elles pas aussi ? »
Victoria se rapproche de Lord Liverpool, ancien Premier ministre tory, dont elle connaît bien la fille, Lady Catherine Jenkinson. Il la confirme dans ses opinions. Elle n’a pour l’instant pas d’autre choix que de continuer de vivre avec sa mère.
Le roi est au plus mal. L’asthme l’étouffe.
« C’est le 18 juin, a-t-il dit. Je voudrais vivre assez longtemps pour voir se coucher le soleil de Waterloo. »
Le duc de Wellington a fait apporter à son chevet le drapeau tricolore où la croix de Saint-Georges s’entremêle à celles de Saint-André et de Saint-Patrick, qui est celui du Royaume-Uni depuis la première année du siècle.
« Bien, bien, a dit le roi Guillaume. Dépliez-le et laissez-moi le toucher… Glorieux jour… »
10
Vers 5 heures du matin, le 20 juin 1837, une voiture se présente devant les grilles fermées du palais de Kensington. Dans la loge éteinte, le portier tarde à se réveiller. Enfin, l’attelage traverse la cour. De nouveau, les deux visiteurs en habit noir patientent à la porte, puis attendent Mme de Kent.
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