Victoria
de Robert Peel à Glasgow… Elle a plusieurs fois l’occasion de rencontrer Lord Palmeston, ministre des Affaires étrangères, dont elle apprécie la brillante conversation.
Dans l’ombre, Conroy continue de tramer des moyens de parvenir à ses fins. Il a rallié à sa cause le prince Charles de Leiningen. « Elle doit être forcée », lui dit-il. La baronne Lehzen informe Léopold, qui dépêche à Gotha le baron Stockmar, pour qu’il mette prudemment Charles en garde contre toute connivence avec un personnage aussi peu fréquentable.
En mai 1837, une semaine avant l’anniversaire de Victoria, arrive à Kensington Lady Maria Connyngham. Elle est porteuse d’une lettre du roi. Sans doute lui a-t-on confié cette mission parce qu’elle a toujours eu avec la princesse des relations amicales, qui datent du temps de son enfance, quand George IV la recevait à la Royal Lodge, dans le Grand Parc de Windsor.
Lady Maria montre un ordre écrit, signé de la main de Sa Majesté. Elle doit remettre la lettre qu’elle porte à Victoria en personne. Quoi qu’elle dise, on ne lui permet de le faire qu’en présence de la duchesse de Kent, qui la lit immédiatement après sa fille. Le roi informe Victoria qu’il veut mander aux Communes de lui octroyer une annuité de 10 000 livres sterling à dater du jour de sa majorité. Il demande également à la princesse de nommer elle-même son comptable privé, suggérant que ce puisse être une dame, ou bien le trésorier de la maison du souverain, Sir Benjamin Stephenson.
Mme de Kent, indignée, s’écrie qu’elle espère bien que jamais le Parlement n’acceptera de voter pareille chose. En effet, si le jour de ses 18 ans Victoria accédera bien à la majorité en tant que souveraine, elle n’en restera pas moins mineure pour tout ce qui ne concerne pas la succession. Il appartiendra donc à sa mère de continuer à tenir les cordons de sa bourse jusqu’à ce qu’elle atteigne l’âge de 21 ans. La duchesse, après avoir vérifié que le Premier ministre Lord Melbourne est au courant de cette démarche, présente à la princesse une lettre de refus, qu’elle a écrite sous la dictée de Conroy. Prise au piège, ne pouvant affirmer sa volonté et son indépendance qu’au prix d’un acte manifeste de désobéissance filiale, Victoria signe.
Elle se réfugie dans sa chambre avec Lehzen. Elle pleure de dépit. Le roi Guillaume comprendra bien qu’elle n’a pas pu rédiger cette lettre de son propre chef. Par sa signature, la princesse met elle-même en échec cette ultime tentative de la Couronne pour l’émanciper.
« Je suis très malheureuse et très agitée. »
Ce qui la fait le plus souffrir, c’est la culpabilité qu’elle éprouve d’avoir pour sa mère du mépris. Que la duchesse ose ainsi manquer ouvertement de respect au souverain est une honte. Par ailleurs, ni l’une ni l’autre n’ignore que Guillaume est gravement malade. Il est atroce de penser que l’idée de sa mort prochaine durcit encore plus la froide ambition de la duchesse et de son intendant.
« J’espère qu’il pourra surmonter cela. Mais il a 72 ans. »
24 mai 1837. Victoria est éveillée avant le lever du jour. Elle écoute les chants d’oiseaux qui montent du parc, comme toujours par vagues successives de différents airs.
La nuit pâlit.
Basses pesantes et solennelles, tonnent au loin les lourds canons de Londres, saluant l’aube de sa majorité.
Victoria sent les sanglots la secouer. Sous les cils de ses paupières qui se referment perlent les larmes.
À 3 heures de l’après-midi, Victoria sort en voiture ouverte, accompagnée de la baronne Lehzen, et roule au pas pendant près de deux heures sur les avenues de la capitale. Partout une foule massive l’acclame. Victoria ! Les rues et les parcs sont bondés de gens endimanchés qui crient son nom et lui souhaitent longue vie, lançant des fleurs sur son passage, agitant drapeaux, chapeaux et mouchoirs. À Kensington, ils attendent pendant des heures pour signer les livres de vœux.
À 10 heures, le peuple se presse encore, innombrable, pour la saluer, sur le chemin du palais St James où le roi donne un bal en son honneur. Sa Majesté, qui n’est pas assez bien portante pour être présente en personne, a commandé qu’elle occupe le trône. Il lui a offert un piano de concert. Victoria regrette bien que son rang interdise à quiconque de la faire valser. Elle remarque les
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