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Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
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vie soit épargnée pendant neuf mois encore, car au terme de cette période, si ma mort devait survenir, aucune régence n’aurait lieu. J’aurais alors la satisfaction de laisser l’autorité royale personnellement à cette jeune dame. »
    En disant cela, il pointe du doigt Victoria qui, assise en face de lui, rouge de confusion, sent ses yeux se remplir de larmes.
    « Entre les mains de l’héritière présomptive de la couronne, et non pas de celles de la personne assise en ce moment à côté de moi, entourée de conseillers malfaisants, et elle-même incompétente pour agir comme il se doit dans la position où elle se trouverait placée. Je n’hésite pas à dire que j’ai été personnellement insulté, grossièrement insulté, par cette personne. Mais je suis résolu à ne plus tolérer un comportement si dépourvu de respect envers moi. Entre de nombreuses autres choses, j’ai particulièrement à me plaindre de la façon dont la jeune personne que voici a été tenue à l’écart de ma cour. Elle a été constamment tenue à l’écart de mes réceptions, où elle aurait toujours dû être présente, mais je suis tout à fait résolu à ce que cela ne se reproduise plus. J’aimerais qu’elle sache que je suis roi, je suis déterminé à ce que mon autorité soit respectée, aussi à l’avenir j’insisterai et je commanderai que la princesse soit en toutes occasions présente à ma cour, comme c’est son devoir de l’être. »
    Tandis qu’il termine son discours, sur des accents plus paternels, en s’adressant à Victoria, elle n’attend que la fin de ces propos indignes et choquants pour laisser enfin libre cours à ses pleurs. Déjà la duchesse de Kent a fait atteler sa voiture, et il faut toute la persuasion de quelques invités pour obtenir qu’elle attende au moins jusqu’au lendemain.
     
    Cet esclandre est assez bien dans le personnage du roi Guillaume, aussi colérique que maladroit. Il exprime aussi l’exaspération généreuse d’un souverain qui, sentant ses jours désormais comptés, enrage d’impuissance devant les menées dont il sait que Victoria fait l’objet à Kensington. Depuis qu’elle est entrée dans sa dix-huitième année, elles ont pris un tour d’urgence. La duchesse ne désespère pas d’exercer la régence, si Guillaume meurt assez tôt. « King John », comme le roi appelle Sir John Conroy, ne désarme pas. Il persiste à briguer une nomination comme secrétaire particulier de Victoria. Ce n’est pas par hasard que Léopold a prévu de venir passer la fin de l’été à Claremont, dût-il laisser seule à Bruxelles la reine Louise, enceinte de son deuxième enfant.
     
    Le temps n’est plus aux grandes tournées, mais il importe que Victoria continue de montrer qu’elle est proche du peuple. Au mois d’août 1836, avec la baronne Lehzen et Lady Flora Hastings, elle se rend à Chiswick, à l’ouest de Londres, pour visiter l’asile Royal Victoria. Sous la supervision de l’honorable Miss Murray, l’Amicale des enfants s’y emploie à réformer quelque trois cents jeunes filles de moins de 15 ans. Ce sont des gamines des rues, enfants perdues de la misère, souvent dressées au chapardage, dont on ne sait trop que faire à Newgate et autres prisons. On en expédie quelques-unes ici, où on leur apprend l’existence de Dieu et assez de manières pour en faire des bonnes. Victoria ignore que les places qui les attendent sont généralement au Cap, en Australie ou au Canada.
     
    L’été s’écoule lentement, dans une atmosphère sinistre, tandis que Conroy redouble d’efforts pervers pour faire céder Victoria. Elle compte les jours qui la séparent encore de la venue de son oncle Léopold. Quand enfin vient le temps de le retrouver à Claremont, elle laisse exploser sa joie.
    « Je l’aime tellement  : oh ! mon amour pour lui est proche de l’adoration. Il est vraiment “ il mio secondo padre ”, ou plutôt “ solo padre ” ! Car en fait il est un peu mon vrai père, puisque je n’en ai pas ! Il est si intelligent, si doux, si prudent : lui seul peut me donner de bons conseils en toutes choses. »
    Elle regrette bien que sa tante Louise n’ait pas pu venir, son état ne lui permettant pas de voyager. « Elle est un ange et je l’aime tant ! » Léopold lui apporte de sa part des robes de soie : une bleue avec un bonnet assorti, une « couleur de poussière » pour le matin, une rose pour le soir.
    Léopold

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