Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Victoria

Victoria

Titel: Victoria Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joanny Moulin
Vom Netzwerk:
le train », a dit Melbourne à Victoria. En effet, de l’autre côté de la vitre qui tremble, le paysage défile à la vitesse d’un cheval au galop. Pourtant, elle est assise aussi douillettement que dans son sofa, bien moins secouée que dans une calèche roulant à vive allure.
    Déjà, on arrive à Bishop’s Bridge, près de Paddington, à deux pas de Hyde Park. Le trajet d’une vingtaine de kilomètres a duré moins d’une heure, alors qu’il en faut plus de trois pour faire le voyage par la route. Néanmoins, cette facilité, ce confort, a quelque chose d’inquiétant. On craint les accidents.
    « Moins vite, la prochaine fois, je vous prie », dit le prince au chauffeur qu’ils saluent sur le quai.
    Victoria a 23 ans. Elle règne depuis cinq ans. Depuis son mariage, l’ascendant que Lord Melbourne exerçait sur elle, par la force des choses, cède place à l’influence du prince Albert. Ce changement est accéléré par le fait que les whigs perdent lentement, mais sûrement, le pouvoir. Aux courses d’Ascot, le public acclame toujours aussi chaleureusement la reine et son Premier ministre, criant « Melbourne pour toujours ! » Mais à la Chambre, Peel et les conservateurs gagnent inexorablement la partie.
    Victoria entreprend une tournée des grandes maisons whigs, comme au temps de son enfance, lorsque la duchesse de Kent et son intendant organisaient des périples pour la faire connaître. Partout, des foules enthousiastes expriment leur loyauté. Il n’en reste pas moins que, par le choix de ses hôtes, la souveraine fait ostensiblement campagne en faveur des whigs. Elle s’écarte ainsi de sa réserve constitutionnelle, qui lui fait obligation morale de demeurer au-dessus des partis. Le baron Stockmar, qui de Cobourg exerce par correspondance la fonction officieuse de conseiller du prince, rappelle ce principe essentiel au protégé du roi des Belges.
    « Si les choses en viennent à un changement de gouvernement, alors le grand axiome irréfragable, qui est le même pour tous les gouvernements, est le suivant. À savoir que la Couronne le soutient franchement, honorablement, et de toutes ses forces, quel qu’il soit, aussi longtemps qu’il s’appuie sur une majorité, et gouverne avec intégrité pour le bien-être et l’avancement du pays. »
    Albert est personnellement acquis à la cause du libéralisme économique. Il est persuadé que l’avancement des sciences et des techniques entraînera le progrès social. La monarchie ne pourra se maintenir en Europe qu’au prix d’une scrupuleuse impartialité constitutionnelle : il en est intimement convaincu. Ses mentors eux aussi n’en sont que trop conscients. Stockmar l’exhorte à y veiller activement et sans relâche.
    « Soyez, par conséquent, le génie constitutionnel de la reine. Ne vous contentez pas de simplement lui murmurer cette maxime à l’oreille quand l’occasion se présente. Mais œuvrez aussi à la mettre en pratique, au bon moment, et par les moyens les plus vertueux. »
    Cette tournée des fiefs whigs ne va pas du tout dans le bon sens. Pourtant, Albert s’y résigne : il ne souhaite pas contredire trop frontalement Victoria. Par ailleurs, il saisit l’occasion de la séparer pour un temps de la baronne, qui pour la première fois ne l’accompagne pas. C’est le début du sevrage. Il veut détacher la reine de cette femme qui s’est amarrée dans ses affections depuis l’enfance. L’alliée des années de résistance aux intrigues de Conroy demeure une confidente très intime.
    Lehzen n’est pas une ambitieuse. Elle nourrit pour Victoria une étrange passion amoureuse, possessive, fusionnelle et terriblement naïve. Par exemple, elle utilise pour correspondre avec Victoria un papier à lettres spécial, où figurent en en-tête une petite locomotive dorée et la devise « J’arrive ! ». La baronne n’est pas un esprit politique. C’est une servante dévouée corps et âme à sa maîtresse, mais étroite de vues. Les avis qu’elle lui donne, la complicité féminine exclusive qu’elle cultive rabougrissent Victoria dans un égoïsme de chipie. Sa responsabilité dans l’affaire Flora Hastings montre assez bien son ingénue capacité de nuisance. Les subtilités de la monarchie constitutionnelle échappent à cette potinière sans grand discernement, qui vient d’offrir 15 000 livres, sur la bourse privée de la reine, pour soutenir la campagne du parti whig. Albert apprend

Weitere Kostenlose Bücher