Victoria
la première fois depuis près de quatre-vingts ans. Aussi longtemps que cet enfant vivra, le très impopulaire roi de Hanovre est écarté de la succession.
Victoria ayant eu plusieurs fausses alertes au cours des jours précédents, l’archevêque de Cantorbéry et le lord-président du Conseil, après s’être déplacés à plusieurs reprises pour rien, ont fini par manquer l’événement.
« Mes souffrances ont été vraiment très sévères, et je ne sais pas ce que j’aurais fait, sans le grand réconfort et le soutien de mon Albert bien-aimé. »
La grossesse a été fort pénible. Elle s’inquiète pour la mauvaise santé de la princesse royale, qui depuis les derniers jours d’août dépérit de façon alarmante. Victoria demeure très déprimée. Ce n’est pas avant la fin novembre, quand enfin Pussy va mieux, que la reine est de nouveau à même de s’occuper de son courrier.
« 29 novembre 1841. Mon Très Cher Oncle... »
Léopold lui a envoyé de nombreuses lettres pour prendre de ses nouvelles, avant qu’elle trouve la force de lui répondre. Elle écrit sur ses genoux, d’une main qui tremble.
« J’aurais écrit plus tôt, si je n’avais été bilieuse, ce qui m’a rendue très mélancolique, de sorte que je n’étais pas en état d’écrire. Le temps a été si excessivement relaxant, qu’après une quinzaine cela m’a rendue tout à fait bilieuse, ce qui, vous le savez, affecte le moral. Je vais beaucoup mieux, mais on pense que je ne retrouverai pas l’appétit, ni le moral, avant de pouvoir sortir de la ville : nous partons donc dans une semaine au plus tard. Je sors en voiture ce matin, et je suis sûre que cela me fera du bien. Pour l’essentiel, je vais mieux, autant que faire se peut, que l’année dernière. Notre petit garçon est un merveilleux enfant, gros et fort, avec de très grands yeux bleu sombre, un nez bien formé, quoique un peu gros, et une jolie petite bouche. J’espère et je prie qu’il soit comme son cher papa. Il s’appellera Albert, et Edward sera son deuxième prénom. Pussy, la chère enfant, est toujours notre grande chérie à tous, et elle redevient bien grosse et bien forte. »
Le 4 décembre, par lettres patentes, la reine accorde à son fils Albert Edward le titre de prince de Galles.
Maintenant, elle regarde souvent la jeune Victoria jouer avec les cubes et les poupées qui étaient autrefois les siens. En observant la petite qui fait ses premiers pas dans le jardin, elle a l’impression de se voir elle-même telle qu’elle était dans son enfance.
Mrs Southey, surintendante de la nursery, souhaite prendre son congé, arguant qu’elle ne se sent plus à la hauteur de la tâche. À vrai dire, ces dames ont une fâcheuse tendance à se quereller. Victoria nomme, à la place de Mrs Southey, Lady Sarah Lyttleton, qui est depuis trois ans sa dame d’honneur. La reine n’aime pas beaucoup l’anglicanisme trop ritualiste de cette veuve un peu rigide, mais elle apprécie son humour et son savoir-faire.
Victoria et Albert veillent sur la pouponnière avec une attention scrupuleuse, excessive peut-être. Il faut dire qu’ils reçoivent régulièrement des lettres anonymes de menaces à l’encontre des enfants. Albert verrouille lui-même les portes chaque soir. L’inquiétude des parents maintient une tension constante.
La baronne Lehzen, rendue soucieuse par l’animosité du prince, demande à ce que la gestion du duché de Cornouailles lui soit confiée, à elle plutôt qu’à George Anson, pour subvenir aux besoins de la nursery. Loin de consolider sa position, cela ne fait qu’envenimer ses relations avec Albert.
« C’est une intrigante folle et stupide, dit-il, obsédée par sa soif de pouvoir, qui se prend pour une demi-déesse, et quiconque refuse de la reconnaître comme telle est un criminel. »
Victoria, pense-t-il, ne le voit pas, aveuglée qu’elle est par les cancans de cette femme, qui fut autrefois sa gouvernante et garde sur elle une autorité pernicieuse. Lehzen, qui s’est évertuée à corriger sa manière et les défauts de son caractère depuis l’enfance, semble avoir convaincu la reine qu’elle lui doit toutes ses bonnes qualités.
« Quant à moi, au contraire, je considère que Victoria a par nature un bon caractère, mais faussé, de bien des façons, par une mauvaise éducation. »
Il est convaincu que cela ne pourra s’améliorer que si Victoria ouvre enfin les yeux pour
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