Vidocq - le Napoléon de la Police
fusils, pour que nous les ayons
sous la main. Nous allons vérifier leur fonctionnement.
Pendant que vos valets et vos fils
prennent du repos, nous veillerons.”
À minuit, le “sergent” fait semblant
d’avoir entendu quelque chose : “Debout et placez-vous de façon qu’il n’en
échappe aucun”, ordonne-t-il. Les bandits se lèvent et se postent à toutes les
ouvertures. Le fermier, croyant qu’ils vont effectuer une sortie, s’offre à les
éclairer avec sa lanterne dans la nuit pour qu’ils voient mieux les brigands.
“Ça ne sera pas nécessaire, c’est nous les chauffeurs”, ricane le chef, tirant
son pistolet et faisant feu à bout portant. Ils ont torturé toute la famille
pour leur faire avouer où était caché leur argent, en vain naturellement »
raconte-t-il d’une voix tremblante en s’essuyant du revers de sa manche les
larmes qui roulent sur ses joues.
« Pourquoi naturellement ?
le coupe le compagnon de Vidocq.
— Parce qu’ils n’avaient plus
rien. Le père Dardel m’avait confié tout son argent, 22 000 livres en
pièces d’or contre un papier signé pour que je le remette à son notaire à
Louvain. C’était pour la dot de ses filles Sylvie et Martine qui ont été tuées
avec les autres », sanglote le vieux Duconnier.
Contrairement aux habitudes des
autres jours, Caron ordonne à Vidocq de partir seul passer la nuit dans une
auberge de la ville où il le rejoindra le lendemain et part seul dans la
campagne. Intrigué, Vidocq le suit de loin. Il le voit se diriger vers un
campement de gitans. Il rejoint près d’un feu de bois des hommes qui le saluent
ou l’embrassent. Des parents de sa mère, songe Vidocq. Quelques kilomètres plus
loin, il s’installe dans la salle commune d’une hôtellerie où il écoute
discuter les voyageurs. La conversation générale court sur les chauffeurs. Ces
impitoyables tortionnaires qui savent toujours quelle ferme a de l’argent. Car
ces brigands ont toujours l’air de connaître les lieux. Il doit bien y avoir
quelqu’un qui les informe. Chacun de donner un exemple, de supposer des
complicités, pire des diableries…
Ils n’ont même pas tenté d’ouvrir la
porte charretière de la ferme Buffet qui était capable de résister à tous les
efforts. Ils ont poussé un volet situé à l’arrière d’un bâtiment, sont passés
dans le grenier et de là descendus au cœur de la maison et massacré toute la
famille. On n’a retrouvé personne de vivant, même les chiens ont été égorgés.
Cette bande agit jusqu’en plein jour
avec une audace incroyable.
Devant les « clameurs » de
la population exigeant des mesures, de crainte d’une sédition, une dizaine de
gendarmes ont été envoyés à la rescousse, près de Malines. Les
« chauffeurs » les attendaient.
Ils les ont dépouillés de leur
uniforme puis sont entrés baïonnettes à la bretelle jusqu’à la maison du
procureur :
« Ouvrez au nom de la
loi ! Nous avons appris que vous abritez des complices des chauffeurs. Je
ne repartirai pas avant d’avoir tout fouillé. »
Le procureur a beau protester contre
cette perquisition, avancer ses titres, rien n’y a fait. Tous se sont rués dans
les appartements du magistrat, mettant tout sens dessus dessous, forçant les
serrures, ouvrant les armoires.
Enfin, quand tout fut ravagé, ils
annoncent au juge qu’ils reviendront bientôt. On s’est aperçu ensuite qu’ils
étaient partis avec l’argenterie et les assignats. Ça n’a été que lorsqu’on a
retrouvé les corps dépouillés des gendarmes que l’on a compris. Le juge était
tellement furieux que si les gendarmes n’avaient pas tous été tués, il les
aurait envoyés à la guillotine. »
Un autre voyageur intervient en
baissant la voix :
« Et l’histoire du
manchot ? Une nuit qu’ils cherchaient à s’introduire dans une ferme, un
des bandits passa sa main dans une ouverture du volet pour ouvrir ce dernier,
et sa main se trouva prise dans un piège. En effet, les habitants guettaient et
avaient tendu ce piège. Ils n’osaient faire une sortie contre cette dangereuse
bande, mais ils savaient que dès le jour venu, les brigands s’évaporeraient.
Ils en tenaient un, ils ne le lâcheraient pas. Il parlerait aux gendarmes et
permettrait de se saisir de tous les autres.
Cette idée, les autres
« chauffeurs » l’avaient également. Le prisonnier comprenait qu’avec
la levée du jour, ils ne le laisseraient pas vivant
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