Vidocq - le Napoléon de la Police
région. « Il faudra le lui renvoyer par la
poste car c’est un vrai. »
Le lendemain, chacun emprunte une
porte différente, pour se rejoindre dans une auberge à une demi-lieue à la
sortie de Lille. Grimé avec soin, Vidocq, vêtu d’une large blouse bleue de
paysan présente son passeport crasseux et sort sans être remarqué. C’est jour
de foire et les rues pullulent de campagnards, habillés comme lui. Il suit la
route jusqu’à l’auberge décrite par Francine, y entre et se fait garrotter par
un régiment de gendarmes.
Jacquard tient sa revanche. Enchanté
de sa prise, il menace Francine d’arrestation. Il l’admoneste sévèrement pour
avoir aidé un évadé. Il lui promet une lourde condamnation et en attendant la
décision des juges décide de lui faire goûter à la prison des femmes. Vidocq
n’a droit à aucun discours, on l’enferme dans la forteresse.
Sa capture est une vraie victoire et
les gendarmes plastronnent, fiers de leur exploit. Pour éviter de perdre leur
gibier, on l’enchaîne au fond d’un cachot. Le poignet droit attaché à la
cheville gauche, le gauche à la cheville droite. Un vrai supplice. Ainsi
saucissonné, ils le quittent en lui souhaitant ironiquement « bon
repos ».
Se souvenant des leçons d’acrobatie
durement apprises dans sa jeunesse, Vidocq contrôle d’abord son souffle, calme
sa respiration et essaie de retrouver la souplesse de sa main. Il n’a pas
appris que la double pirouette arrière mais aussi à tordre chacun de ses
doigts, dans sa démonstration d’homme sauvage. C’est le moment d’utiliser ses
talents, pour gagner au moins sa liberté de mouvement. Ce vif argent, après
plus d’une heure d’effort parvient à extirper le plus difficile, son pouce. Il
soupire profondément sachant que les autres doigts vont suivre. Bientôt il
libère une main de ses fers. Celle-ci dégagée, il défait ses autres liens. Les
muscles de son épaule sont douloureux, tétanisés par la torsion que Vidocq leur
a fait subir. Il vient quand même à bout de la serrure de la porte avec la
longue pointe de la boucle de sa ceinture. Se massant le bras, il sort et
rejoint les autres condamnés qui stationnent dans la grande salle.
Assis sur une paillasse, ils
oublient leur désœuvrement en regardant à distance, par une large brèche au
fond de la salle, un groupe d’ouvriers qui chargent de grands sacs de plâtre
sur leurs épaules. Des prisonniers s’étaient évadés la veille et avaient creusé
ce passage, que des maçons, convoqués à la hâte, s’efforcent de combler.
Ils portent presque tous le costume
de leur profession, une grande blouse blanche.
Personne ne tourne la tête vers
Vidocq. En un tour de main, il fait sortir sa chemise de son pantalon pour la
laisser recouvrir ses genoux et grattant le sol de sa main, s’empresse de
recouvrir ses cheveux d’une épaisse couche de poussière. Fendant le groupe de
détenus qui ne le connaissent pas, il s’encastre dans l’ouverture pratiquée
dans le mur et appelle un manœuvre :
« C’est pas possible que des
hommes aient pu sortir par ce trou. Regarde, j’ai fait le tour pour voir et je
passe pas.
— C’est ça, traite-nous de
menteurs. Pissequ’on t’dis que c’est par là qu’y se sont ensauvés.
— Im-po-ssible », martèle
Vidocq. Vexés ils lui font une démonstration.
« Tiens, donne ta main. Tu vas
y passer et tout habillé encore. » Ils tirent et hop, voilà Vidocq du bon
côté de la muraille.
Se frottant toujours son bras
endolori, il soupire :
« Bon c’est pas tout ça, faut
que j’remonte mon sac de plâtre. »
L’oiseau s’est envolé.
Toujours déguisé en plâtrier, Vidocq
se cache dans l’appentis derrière la loge de la couturière. Il se sent en
sécurité. Personne ne peut imaginer qu’il se réfugie dans le lieu même où il a
été arrêté. Il y récupère sa veste, déposée dans un coin. Un peu d’argent, sa
montre. C’est toujours ça. Jusqu’à la nuit tombée, Vidocq y reste tapi, sans
faire le moindre bruit. Lorsque tout le monde dort, il sort et se dirige vers
les remparts. Toutes les portes sont fermées et gardées. On ne peut quitter la
ville que par un étroit guichet, où des agents de police vérifient toutes les
identités. Seule solution, les remparts qui en raison de leur hauteur ne sont
pas surveillés.
À dix heures du soir, Vidocq attache
la corde trouvée dans sa cachette, à un arbre près du bastion
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