Vidocq - le Napoléon de la Police
ta garde-robe. Et pense à
ton maquillage. Ça c’est la grande idée ! »
Visite le matin, visite le soir.
Francine n’arrête pas de faire des allers et retours à la prison, sous l’œil
goguenard des gardiens. Deux jours plus tard, le 30 décembre 1795, on signale
qu’un officier-inspecteur en grande tenue parcourt les salles à grands pas. Il
parle fort, donne des ordres, réclame le silence et le chef gardien. Les
prisonniers, l’œil inquiet se regroupent au fond de la salle tandis que les
gardiens s’alignent dans le couloir. Faisant mettre tout le monde au
garde-à-vous, l’inspecteur passe les soldats en revue, tout en caressant sa
moustache. Le visage buriné, les cheveux blanchis par l’âge, il n’a pas l’air
commode. Il exige de la tenue, redresse un shako, désigne un revers de veste
mal boutonné, un ceinturon non ciré. Enfin, il serre la main du responsable et
s’en va au soulagement général, salué par toute la garde, impeccablement au
garde-à-vous.
L’officier-inspecteur a vraiment de
l’allure et quelle poigne !
III La chaîne
Si l’évasion de Vidocq fait rire tous
les chenapans de la ville, les juges sont beaucoup moins compréhensifs. Ils
veulent faire un exemple, avoir la peau de ce voyou charmeur qui fait d’eux, la
risée de la ville. Négligeant le fait qu’il n’y a plus de motif de le maintenir
en détention en raison du retrait des plaintes, ils l’inculpent d’abord
d’usurpation d’identité puis d’évasion.
Pire, les absents ayant toujours
tort, les deux faussaires, lors de leur procès au sujet de l’évasion de
Sébastien Boitel, le chargent à fond. Vidocq seul a tout combiné. Les juges
opinent.
Alors qu’il n’avait plus que dix
jours de cellule à subir, le voilà accusé de faux en écriture publique. Il
passe ainsi du délit au crime.
On le condamne le 7 nivôse an V (27
décembre 1796), à huit ans de bagne. Inconscient, à l’abri, au domicile de sa
maîtresse, il ne sait pas que sa vie vient de basculer dans le drame.
« Je vais devenir fou si je
reste ici. Si c’était pour rester enfermé toute la journée, autant être en
prison », lance Vidocq à Francine, furieuse et qui cherche à le retenir.
Il sort en claquant la porte et déambule dans les ruelles, respirant l’air
frais avec délectation. Entré dans la première taverne venue, à peine le temps
de commander un bock qu’une lourde main s’abat sur son épaule.
« Alors mon gars, on s’est bien
foutu du monde hein ? À cause de toi, les gardiens ont eu huit jours de
mise à pied. Ça je peux t’assurer qu’on va te le faire payer. »
Le sergent Écrémoise s’empresse de
lui mettre les menottes. Vidocq souriant, beau joueur, se lève, prêt à suivre
l’argousin. Arrivé près de la porte, il prend sur la table une salière et jette
tout le contenu dans l’œil du gardien, avant de le repousser violemment. Trop
tard pour réagir. Un hurlement, un bruit de galopade qui s’éloigne et Vidocq
s’élance à toute vitesse dans les ruelles étroites jusqu’à ce qu’il sème ses
poursuivants.
De retour chez Francine, il se jette
sur le lit, soufflant et pouffant de rire :
« Tu te rends compte, sans
cette salière j’étais cuit. » Et il rit à perdre haleine. Inutile de
chercher à raisonner cette tête folle, Francine comprend que les mises en garde
ne serviront à rien. La seule solution, quitter la France. Pourquoi ne pas
s’installer en Belgique et s’y faire tous les deux, une nouvelle vie. À la fin
de la semaine, elle met en vente ses meubles et ses vêtements. C’est réglé,
elle n’est plus chez elle, ayant tout cédé, même son bail, à une amie
couturière. Pour sa dernière journée, elle l’invite à déjeuner.
Chargé de préparer le repas, Vidocq
entend frapper. Sans méfiance, il ouvre et se trouve nez à nez avec le
commissaire Jacquard qui considère ce jeune homme vêtu d’un tablier blanc, un
torchon encore à la main :
« Francine Longuet habite bien
cet appartement ? Je viens arrêter Vidocq. »
Jetant son torchon sur l’épaule,
Vidocq, en valet stylé, se met sur le côté et ouvre la porte toute
grande :
« Entrez, monsieur le
commissaire, je suis seul, mais voyez, Vidocq ne va pas tarder, son couvert est
mis.
— Parfait je vais pouvoir
l’arrêter sans problème, constate le policier.
— Êtes-vous sûr de pouvoir en
venir à bout, tout seul car il est armé jusqu’aux dents,
Weitere Kostenlose Bücher