Vidocq - le Napoléon de la Police
Notre-Dame. Il se
laisse glisser doucement. Mais le poids de son corps l’entraîne trop vite. Il
essaie de freiner avec ses mains pour ralentir mais l’effort fourni le matin
pour se libérer de ses liens a été trop violent pour son bras, les muscles ne
répondent plus. Le frottement de la corde devient brûlure. Il lâche prise et
chute lourdement à dix mètres du sol.
Dans le noir, il est incapable
d’évaluer la distance et de se recevoir correctement. Par chance, le fond est
couvert de boue. Vidocq veut se relever mais sa cheville lui fait pousser un
cri de douleur. Impossible de se tenir debout. Il traverse, moitié boitant,
moitié rampant la largeur du fossé. L’escalade est un véritable calvaire.
Pendant plus d’une heure, Vidocq s’agrippe aux pierres et gravit le mur à la
seule force du poignet. Parvenu au bord de la route, il s’effondre, épuisé.
Immobilisé, impuissant, il regarde
avec désespoir le soleil apparaître. Il a lutté toute la nuit pour rien. Dès
que le jour sera levé, il sera repris…
Un bruit de roue lui fait tourner la
tête. Un maraîcher s’avance vers lui, poussant une brouette pleine de légumes.
Arrivé à sa hauteur, Vidocq lui demande de l’aider. Prenant un écu dans la
bourse qui était restée dans sa veste, il les propose à l’homme pour qu’il le
charge sur sa brouette jusqu’au village voisin.
« Ça va abîmer mes légumes.
— Je vous les achète
tous. »
Un autre écu le décide et les voilà
repartis en sens inverse, Vidocq est confortablement assis sur un matelas de
choux. Arrivé chez lui, l’homme appelle sa femme, tous deux transportent le
blessé sur leur lit et le massent avec du vinaigre. Remarquant les regards
étonnés de la femme sur ses vêtements déchirés et couverts de boue, Vidocq leur
avoue qu’il transportait du tabac de contrebande lorsque des douaniers l’ont
poursuivi. Si ses complices ont pu s’enfuir, lui est tombé dans le fossé d’où
il venait de s’extraire lorsque par bonheur, son mari est passé. Le couple
rassuré lui sourit alors.
Car comme tous les Français de cette
époque, ils souffrent de l’inflation et détestent les douaniers. Depuis quatre
ans que le gouvernement a interdit l’entrée des marchandises anglaises, la
contrebande a pris des dimensions importantes dans les régions frontalières.
Chacun connaît un contrebandier ou cherche à en rencontrer pour obtenir des
produits interdits, comme le savon, le charbon ou les étoffes.
Sur-le-champ, Vidocq s’invente un
passé de passeur de tabac pour éviter les questions gênantes. Le temps que sa
cheville se remette, il reste à l’abri chez les paysans et réfléchit à
l’avenir. Pourquoi ne pas transformer un mensonge en vérité. Pour cela, il faut
passer en Hollande mais pas sans argent. Au bout de quinze jours, confiant dans
la sincérité de ses hôtes, il confie au mari, lorsqu’il retourne au marché de
Lille vendre ses choux, un petit mot à remettre à Francine :
« Cette femme sert
d’intermédiaire à ma bande, elle est peut-être surveillée. Il ne faut le lui
remettre que lorsqu’elle est seule. Se méfier surtout d’une autre femme, une
couturière qui est souvent avec elle. »
Le soir le paysan lui remet cent
vingt francs or de la part de Francine. Le lendemain matin, après les avoir
remerciés, Vidocq part pour Ostende.
La pêche aux renseignements commence
dans un estaminet. Discret, généreux, Vidocq offre de petits verres de genièvre
et discute avec le patron auquel il explique ses intentions.
Après plusieurs jours d’attente, il
obtient enfin un nom et une adresse : Peters, la maison de la Mouette. Un
oiseau cloué par les ailes sur la porte fait figure d’enseigne et Vidocq, muni
du mot de passe : « gare aux requins » est admis à faire partie
de la troupe.
À sa surprise, aucun Anglais ne
figure dans le groupe mais des Russes, des Danois, des Suédois, des Portugais
et bien sûr un fort contingent de Hollandais. Bientôt les hommes sympathisent.
À force de vivre en bande, ils prennent même des habitudes communes et arborent
des signes distinctifs. C’est ainsi que Vidocq, comme les autres, se fait
percer les oreilles et porte désormais des anneaux.
Les contrebandiers habitent
ensemble, dans une sorte d’entrepôt, attenant à la maison de Peters et bourré à
craquer de marchandises. D’énormes chiens terre-neuve patrouillent autour,
interdisant à quiconque de s’en approcher.
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