Vidocq - le Napoléon de la Police
décision :
« Ce ne serait reculer que pour
mieux sauter. Tôt ou tard, on me reconnaîtra et encore plus vite qu’à Paris. Et
tout sera comme à présent. J’ai assez fui. Au moins ici, je vous sais à
l’abri. »
En ce pluvieux mois de mars 1809, il
longe le quai des orfèvres pour « se rendre » à la préfecture de
police. Il demande à être reçu par Jean Henry, chef de la deuxième division,
chargée de la répression du banditisme et de la sécurité des parisiens. Ce
policier, surnommé l’« ange malin » par la pègre, est un homme sec,
d’aspect parcheminé. On ne remarque que la puissance charbonneuse de ses yeux
qui lorsqu’ils se posent sur un criminel n’ont pas son pareil pour le faire
avouer. Son nom seul fait pâlir la pire canaille. Les plus bravaches finissent
par se couper dans leurs réponses et avouer, tant ils sont persuadés qu’il peut
lire dans leurs pensées. Il passe pour détenir un instinct infaillible pour juger
un homme sans jamais se tromper. Possédant la passion de son métier, il est à
toute heure du jour ou de la nuit à son bureau, recevant le public ou ses
agents. On ne l’imagine pas ayant une vie privée. Personne ne se souvient de
l’avoir vu manquer un seul jour. Il faudrait qu’il soit mourant pour ne pas
venir à son bureau et encore…
Il a commencé sa carrière
trente-cinq ans auparavant, en 1784 sous Louis XVI, la
continua sous la Révolution, le Directoire, le Consulat et maintenant l’Empire.
Du point de vue politique, il est infiniment blasé. En revanche, du point de
vue de l’enquêteur, il est sans cesse à la recherche d’une meilleure efficacité
et de bons collaborateurs. Henry tient un fichier à jour qu’il connaît sur le
bout des doigts et où figurent forçats en rupture de ban et repris de justice.
Lorsqu’on lui conduit un voleur, d’une petite voix douce, il le démasque sous
son vrai nom, lui détaille, souvent sans consulter ses précieuses notes, les
condamnations qui l’ont frappé.
Vidocq lui expose sa situation. Il
résume ses activités commerciales et le chantage auquel il est soumis par ses
anciens compagnons de chaîne. Henry, les narines pleines de tabac à priser,
semble ne pas accorder d’attention à son visiteur. Pourtant derrière les verres
teintés qui protègent ses yeux, il le scrute avec attention. L’homme
l’intéresse. Pourtant il n’en montre rien. Enlevant ses lunettes d’un geste
brusque, il le regarde sans indulgence. Il a trop reçu d’offres de services de
ce genre. Vidocq comprend qu’il lui donne son congé et refuse son offre.
Se levant, il lui dit :
« Avec moi, c’est tout ou rien. »
L’inspecteur laisse repartir son
interlocuteur sans l’arrêter. Le bonhomme lui plaît.
Vidocq, de retour chez lui commence
à liquider ses affaires. Lorsque dix jours plus tard, dès potron-minet, une
brigade de police lui passe les menottes, Vidocq après avoir songé un instant à
résister, se laisse conduire à Bicêtre. C’est mieux ainsi. Connaissant sa
réputation, les autres prisonniers s’empressent autour de lui. Ils lui
répugnent, moralement plus que physiquement, encore que la promiscuité lui
pèse. La pire des peines n’est pas la chaîne de fer mais pour lui, la présence
obsédante de cette fange humaine. C’est alors qu’Henry le convoque :
« Vous m’avez dit en me quittant,
qu’avec vous c’était tout ou rien. Avec moi, c’est pareil. »
Le regard que les deux hommes
échangent, a valeur de pacte. L’inspecteur lui annonce qu’il entre
provisoirement et secrètement à son service.
La recommandation du commissaire
Dubois a pesé dans la balance mais celle qui l’a convaincu, est celle du
procureur Ranson en sa faveur. Il a étudié le dossier de condamnation de Vidocq
dans les archives de la justice et l’a trouvé très mince. Il n’y a pas la
moindre preuve contre lui, d’autant qu’il s’est donné la peine de recouper avec
d’autres dossiers, comme les aveux d’Herbaux avant de monter à l’échafaud qui
l’innocentent. Le préfet Pasquier, à qui Henry a transmis le dossier complet
donne son accord pour un essai.
De Bicêtre, on le transfère le 28 octobre
1809 à la Force, la grande prison du faubourg Saint-Antoine où la princesse de
Lamballe fut exécutée. Là sont rassemblés les pires malfrats de la République.
Lorsque Vidocq arrive tous s’empressent de l’approcher.
Les bruits les plus fous courent sur
son
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