Vidocq - le Napoléon de la Police
laisse des messages. Chaque fois qu’il veut lui faire savoir quelque
chose, il enlève sa casquette et la tient au-dessus de sa tête en se frottant
les cheveux. À ce signal, dès son départ, elle cherche un papier, calé sous un
pied de table ou de chaise, sur lequel il a noté ses instructions.
Au prochain rendez-vous avec les
malfrats, Vidocq manifeste son impatience :
« C’est pour quand le grand
coup ? J’ai besoin de fraîche.
— Nous t’attendions pour en
parler mais avant tu dois répondre. Boudin a rencontré un mouchard. Il lui a
dit que tu en étais un autre.
— J’espère bien qu’il le croit
et qu’il le racontera à tout le monde. Tant qu’il fait courir ce bruit, il me
met à l’abri des ennuis », rit Vidocq.
Comme les deux hommes le regardent
interloqués, il reprend :
« Réfléchis. Si on avait dit ça
de moi lorsque j’étais dans ma boutique, est-ce que Blondy et Duluc seraient
venus me trouver ? Est-ce que tu aurais osé me prendre ma voiture ?
— Dame non ! s’exclame
Germain.
— Et ben tu vois, c’est pareil
aujourd’hui. Tu crois peut-être que tu es le seul à m’avoir reconnu ? Il y
aura toujours quelqu’un qui aura intérêt ou plaisir à me faire arrêter. Mais on
ne dénonce pas une mouche à la police, puisqu’elle en fait partie. Comme ça, je
suis tranquille.
— C’est bien trouvé !
apprécie Boudin en connaisseur.
— Ouais alors. C’est farce
quand même », admire Germain.
Séduits par cette trouvaille, ils
n’hésitent plus à lui parler de leur nouveau projet :
« Encore mieux que les vieux
qu’on expédiera plus tard. C’est un banquier. Sa maison, à l’angle de la rue
d’Enghien et d’Hauteville n’est protégée que par deux gardiens, il sera facile
de les éliminer. Son coffre est rempli d’or et de billets. Y aura qu’à se
servir. On y va ce soir. »
Vidocq applaudit à ce magnifique
programme. C’est alors que Germain dévoile ses batteries :
« On a tous confiance les uns
dans les autres. Mais prudence est mère de sûreté comme on dit. Dans cette
affaire, on expose not’tête. Aussi je vais pas risquer de me faire raccourcir
parce que l’un de vous bavarde. Jusqu’au partage après l’affaire faite, on
s’quitte pas. »
Vidocq se félicite d’avoir prévenu
Annette. Il s’exclame, comme impressionné : « Riche idée.
J’approuve. »
Germain se lève alors pour les
entraîner chez lui : « Départ à minuit, en attendant on va chez moi.
— Une minute. Comme on ne
bougera pas de chez toi, autant me soulager ici. »
Et Vidocq, ostensiblement se dirige
vers le cabinet d’aisance, bien visible au fond de la cour. Une fois à l’abri,
il écrit tous les renseignements, lieux, adresse, heure. De quoi faire un vrai
« flag ». De retour, il se rassoit et propose un dernier verre, tout
en enlevant sa casquette et se grattant le cuir chevelu. Dans son bock vide, il
glisse le bout de papier et se lève. « Allons-y ! ».
Tous montent dans un fiacre qui les
dépose jusqu’à la demeure de Germain, à l’entrée de la rue Saint-Antoine. Le
temps s’écoule. Impossible de trouver un prétexte pour sortir. Il ne reste plus
à Vidocq, allongé sur un matelas dans la chambre, qu’à espérer qu’Annette a
trouvé le message et l’a porté à Henry. Pourvu que toutes les mesures soient
prises avant que le crime ne soit exécuté. Tout seul pourrait-il arrêter les
deux hommes ? Ils sont armés, pas lui. Qu’est-ce qui lui garantit qu’une
fois le meurtre commis, on ne l’en jugera pas responsable. Il s’est évadé et
seul Henry est dans la confidence. Si l’affaire tourne mal, il ne lui sera que
trop facile de le désavouer. Sa parole contre celle d’un évadé multirécidiviste
ne pèserait pas lourd. Vidocq en est là de ses réflexions lorsque Germain entre
dans la chambre.
« C’est l’heure ! »
Tous se dirigent vers la maison du
banquier, Germain et Boudin en tête, la pipe au bec, Vidocq les suit, essayant
de garder bonne contenance.
Arrivé au pied de la borne qui doit
servir de courte échelle pour passer le mur du jardin de la propriété, Germain
tire son pistolet de sa ceinture.
« Je suis fichu » pense
Vidocq, persuadé que Germain l’a percé à jour et qu’il va l’exécuter tout de
suite. Il ouvre le bassinet, change l’amorce et le lui tend.
« On ne sait jamais. Il vaut
mieux que tu puisses te défendre. »
Puis les deux
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