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Viens la mort on va danser

Viens la mort on va danser

Titel: Viens la mort on va danser Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Segal
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Ses puissants bras semblaient
le supporter presque entièrement. Dans un tonnerre d'applaudissements il
franchira chaque fois la ligne, telle une boule de neige.
    De ce jeune Suisse aveugle qui passait
toutes les portes du slalom, guidé par la voix de sa femme qui le précédait de
quelques mètres.
    De la joie qui bondissait, fonçait,
dévalait... comme un torrent des montagnes.
    De la remise des médailles par le roi de
Suède, au cours d'une émission qui ressemblait à une fête de village, et du
banquet de six cents couverts qui s'ensuivit.
    De tant de paradis dans tous ces yeux, à
tel point qu'à mon tour je me sentais léger, dégagé du carcan d'ici-bas. La
porte de ma cage s'était ouverte; je dansais moi aussi une gigue insensée. La
vie était là.

 
    III
     
     
    LA TRANSAT DANS UN
FAUTEUIL
     
     
     
    « J'ai regardé tes films avec attention, me dit le Turc, je ne les ai pas trouvés
bons. Pourquoi ne t'es-tu pas servi d'un 400 ou d'un 180? »
    Le moment, était venu de lui avouer que je
n'avais ni 400 ni 180, mais un zoom bon marché et deux objectifs fatigués.
    L'agence essaie de vendre mes photos. Vainement.
Aucun journal ne veut les acheter. Les journaux dits sportifs, eux, ne
s'intéressent pas à un « tel » sujet. Le temps passe, et puis un jour le Turc
me demande de m'occuper moi-même de placer ma marchandise. Il est trop débordé.
    Commence alors la tournée des grands magazines
et des télés. « La presse catholique a fait un sujet dans le même genre il y a
deux ans », me dit une jeune fille visiblement peu séduite par mes athlètes
d'occasion. Le responsable des sports d'une chaîne télé, lui, m'envoie
carrément balader.
    Le soir, je rentre chez moi fatigué mais
plus déterminé que jamais. Ce reportage doit passer. Franchir les barrières.
J'irai jusqu'au bout de ma cause, « au bout » de la ligne. Je sais que derrière
ce mur il y a des humains. Un jour ou l'autre, en un endroit, j'en découvrirai
la porte.
    Cette porte, c'est François Desplat qui
l'ouvrit en grand, me priant de bien vouloir passer... dans son émission Lundi Magazine : « Apportez-nous
toutes vos photos des Jeux olympiques d'hiver. »
    Je noue une cravate sur ma chemise
écossaise et, pour la première fois, je pénètre dans un studio de télévision.
Aussitôt je ressens une grande amitié pour François; j'aime ses yeux très doux
et son humour de collégien. Sur l'écran, mes photos retrouvent leur grandeur
humaine : enchaînées, elles prennent vie. Mon petit reportage devient message.
    Bientôt j'« avale » les portes.
L'assistante de Jacques Chancel me téléphone : « Bernard Baudéan est l'invité
du Grand Echiquier, " Le printemps des jeunes ". Pourriez-vous nous apporter vos photos?
Auriez-vous un film sur ces Jeux d'hiver? »
    A Ornskoldsvik, où j'ai travaillé comme photographe,
la télévision suédoise a tourné un long métrage sur les Jeux. J'écris donc à
l'un de mes amis du tournage. La réponse m'arrive rapidement : nous aurons ce
merveilleux document primé meilleur reportage sportif de l'année.
    Sur le plateau des Buttes-Chaumont, je
croise le regard bleu de Jacques Chancel. Je m'imprègne de cette atmosphère
chargée de paillettes. Je suis au milieu de gens du voyage qui nous emmènent
loin au-delà de la ville, là où j'irai un jour me perdre à nouveau. Puis on
passe cinq minutes du film de la télévision suédoise, cinq minutes qui frappent
avec force gens du plateau, invités — tous de moins de trente ans —,
spectateurs. Ce « printemps des jeunes » animé par le violoncelliste Frédéric
Lodéon fut consacré meilleur Grand Echiquier de l'année. (Il
m'arrive souvent de retrouver Frédéric dans l'atelier de mon ami Gérard Voisin.
Au milieu des arbres polis et des bronzes, il joue pour les amis de passage
connus ou inconnus.)
    N'ayant pas les moyens de changer mon matériel
photo, je me mets en tête d'améliorer ma technique et de « faire avec ». Faire
avec quand on a depuis quatre ans des roues aux fesses en guise de souliers, on
commence à connaître. Tant pis si je n'ai pas de téléobjectifs, je
m'approcherai plus près des humains.
    Je pars faire des petits sujets aux quatre
coins de Paris où m'envoie Delphine, la responsable des archives, et puis, un
jour, j'en ai assez de ce travail un peu médiocre et je demande au Turc de
passer dans son équipe de photographes. Gentiment, il me fait comprendre que je
dois chercher moi-même mes reportages. Il

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